Avant la projection, le scénariste et réalisateur Californien Patrick Read Johnson, verbomoteur, vient nous présenter son film. Le titre 5-25-77 désigne la date de sortie du premier Star Wars dans les salles de cinéma, un moment marquant dans la vie du jeune protagoniste. La forme du film projeté prend toutefois l’allure d’une étrange courte pointe autobiographique qui relate le parcours d’un adolescent geek (le réalisateur!) obsédé par le cinéma de science-fiction. Une courte pointe, parce que son film n’est malheureusement pas terminé. Le réalisateur tente depuis 2007 de compléter la post-production, mais par manque de financement le projet fut tabletté à quelques reprises. Le public de Fantasia ayant été averti par le réalisateur, la version projetée consiste donc en une sorte de pré-montage, dans lequel des images en basse résolution en côtoient d’autres qui sont étirées, ou même surimposées sur des arrière-plans appliqués à l’aide d’écrans verts.
Les effets visuels passent tout de même dans l’ensemble généralement bien. Pour des raisons de compression numérique, probablement, la surface de projection n’occupe que le milieu de l’écran. Certaines surimpositions évidentes dans l’image dérangent, on se demande surtout quelles sont leurs pertinences sur le plan dramatique ou narratif. N’aurait-il pas été possible de tourner le film en conséquence d’un budget restreint?
Or, à sa décharge, il serait presque souhaitable que le film ne soit pas complété et qu’il garde le charme actuel DIY. J’irais même jusqu’à croire que les programmateurs de Fantasia ont été charmés eux-mêmes par cette esthétique. On suit le personnage principal, Pat Johnson, bricoler littéralement ses films Super 8 dans son sous-sol, tous des hommages bien sentis à des chefs d’œuvres de la science-fiction comme 2001: A Space Odyssey, Planet of the Apes, Close Encounter of the Third Kind, etc. des films qui ont marqué son parcours d’adolescent. Et, dans sa forme actuelle, 5-25-77 se présente également comme un bricolage, et une accolade bien sincère à la culture geek.
Or, j’ai l’impression que, peut-être, seul un geek comprendra et appréciera justement le film pour ce qu’il est. Une discussion entre Pat, véritable apologiste de 2001, et Bill son meilleur ami, qui n’a rien compris de la finale, est jouissive pour tout cinéphile et fan de Kubrick. Pour Pat, le visionnement de 2001 est une expérience fondatrice. Il en réalisera même une suite à l’âge de 12 ans, 2002, une sorte de fanfilm tourné avec la caméra Super 8 de son père. Aussi, la rivalité entre lui et une trekkie, serveuse à la cafétéria de l’école, est amusante et représentative du genre de répliques que se lancent généralement ces deux groupes de fans : « The Death Star would take out the Entreprise with one shot », dit-il. À cela elle riposte : « The Enterprise has deflector shields ! ».
Pat développe une légère obsession à l’endroit de Douglas Trumbull, responsable des effets spéciaux photographiques sur 2001. Il veut le rencontrer et sollicite l’aide du rédacteur de l’American Cinematographer. Il réussit finalement à visiter le studio où sont tournés les effets visuels de Close Encounter et… de Star Wars. Il aura même l’immense chance de voir un montage non définitif du premier volet de la saga! À partir de ce moment fondateur, il n’attendra que la sortie du film, avec les célèbres sons en tête (le cri de Chewbacca, les Tie-Fighters, les bip-bips de R2-D2, les sabres lasers, la voix de Darth Vader) et les images maintenant iconiques de cet univers mythique. Ce qui fait pratiquement de Patrick Read Johnson, le réalisateur, le premier vrai fan de Star Wars au monde! Un Star Wars geek comprendra le personnage de Pat, qui a la larme à l’oeil au visionnement de la première bande-annonce au cinéma, prouvant à ses amis que ce qu’il avait vu au studio existait bel et bien, et que, surtout, ce film en apparence inoffensif allait bouleverser le monde de la science-fiction au cinéma. Un rêve se forge tranquillement dans l’esprit du jeune Pat. Bien que le thème du passage, de l’adolescence à l’âge adulte, ait été abordé à mainte reprise au cinéma (…), ce film revêt un charme naïf sans tomber dans le piège du récit triomphaliste. Une réflexion de Pat à propos de son avenir résume bien le message du film : « Hollywood, it might be a door, it might be a wall. I don’t know until I touch it ».
Malgré cela, j’ai peur qu’un large public ait de la difficulté à s’identifier ou à se sentir engagé dans l’histoire, peut-être qu’à la limite le personnage de la mère prête à tout pour aider son fils, ou même la blonde de Pat, sauront faire résonner certaines émotions familières chez le public. Or, l’histoire de 5-25-77 est essentiellement celle d’un geek qui veut réaliser des films et qui souhaite par-dessus tout rencontrer Douglas Trumbull!
Le momentum sera pourtant très bon pour le réalisateur Patrick Read Johnson, surtout avec la sortie de Star Wars VII en 2015. Alors que jusqu’à présent tous les distributeurs le refusent sous prétexte que le buzz est passé, il est fort à parier maintenant qu’il réussira à trouver le financement pour compléter son film. Bien que le geek en moi ait apprécié avec jouissance le visionnement de 5-25-77, les écueils du scénario et de montage (erratique par moment, avec de nombreux faux-raccords lors d’une scène de fête) font pour l’instant de ce film (toujours un pré-montage!) un naufragé perdu au milieu de la mer, qui se cherche toujours une bouée! On n’a qu’à s’en remettre à la bande-annonce d’une durée de 3min07sec., qui réussit bien à capturer la nostalgie d’une époque, celle des années 70, non contaminée par la numérisation.
https://www.youtube.com/watch?v=bko7amHTAMU