Fantasia 2015: TAG – critique

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S’il y a des coups de coeur cette année dans le volet japonais et coréen du festival Fantasia, comme A Hard Day, The Case of Hana and Alice et Nowhere Girl, il faut maintenant y ajouter Tag de Sion Sono, assurément son oeuvre la plus subversive depuis Suicide Club et Strange Circus (rappelons que celui-ci avait raflé les prix de la meilleure actrice et du meilleur film lors de Fantasia 2006). Très difficile d’en parler sans altérer votre expérience, mais puisque les plans d’existence se confondent dans ce dernier rejeton de Sion, du personnage de Mitsuko à Keiko, puis à Izumi pour revenir à Mitsuko, vous n’y verrez que du feu et vous vous imaginerez traverser ensanglanté le plateau de L’ange exterminateur, tout en flirtant avec une Delphine Seyrig amnésique dans L’année dernière à Marienbad, puis vous oublierez même cette courte critique. C’est tout dire. Après une scène d’introduction lors duquel un vent mystérieux massacre toutes ses camarades, Mitsuko s’enfuit pour revenir à son école où elle retrouve ses amies, comme si rien n’était arrivé. Mais la fuite ne s’arrête pas là et les rebondissements surprennent tant ils sont imprévisibles et excessifs dans leurs exécutions!

Adapté par Sion lui-même de la nouvelle Real Onigokko de Yusuke Yamada, Tag est un tour de force grand-guignolesque qui défi les lois du genre. Gore absurde, moments lyriques et spontanés de batailles d’oreillers tout aussi ridiculement impromptus qu’animés d’une beauté naïve, fuites exaltées dans les bois tournées avec un drone, écolières tranchées en deux et cassages de bras inattendus dans une église remplie de filles d’honneur en petites tenues lors d’une scène qui prend un virage grotesque… À travers une série de clins d’oeil à lui-même et aux nombreux tropes de la sous-culture adolescente nippone, le film de Sion propose un méta-récit qui remet constamment en question sa propre discursivité et son authenticité. Mitsuko doit constamment s’ajuster à une réalité mouvante qui la pousse vers l’avant (The Chasing World). Le fan service côtoient le surréalisme philosophique, où on peut se permettre de penser que Sion critique à grands traits rouge écarlate le mythe de la schoolgirl habillée au ras des pâquerettes dévoilant sans pudeur sa petite culotte d’un blanc éclatant. On se questionne aussi sur la non-présence masculine pendant une bonne partie de l’histoire. Or, Sion finit par les dépeindre de manière clownesque et remet même en question le sérieux de son hégémonie dans un monde où la femme, incarnée symboliquement par Mitsuko, n’est plus qu’un personnage en fuite de sa propre histoire, et cela, dans un monde en constante mutation! Tag s’inscrit parfaitement bien dans l’oeuvre de Sion, avec ses personnages plus grands que nature, mais confinés, prêts à exploser pour s’émanciper hors des dogmes sociaux établis (Love Exposure). Avec Love & PeaceTag s’impose en fin de festival comme un petit bijou surréaliste et burlesque qu’on oubliera pas de sitôt.