Colin Sidre
L’année 1983 est généralement considérée comme celle de la naissance de l’industrie vidéoludique française, autour de la micro-informatique. Elle sanctionne le passage d’une industrie d’importation, essentiellement depuis les États-Unis, à une industrie de création. Les distributeurs et surtout les boutiques de micro-informatique, en tant que premières structures implantées sur le territoire, sont au premier plan de ces transformations de l’industrie. Plusieurs établissements de l’époque deviennent des distributeurs-éditeurs, boutiques et grossistes avec une activité d’édition, comme Ellix, Video Telemat Report et Innelec. Ces structures posent les premières pierres de l’industrie naissante, en réunissant les premiers groupes de développeurs et en leur donnant accès aux circuits marchands.
Mots-clefs : jeu vidéo, micro-informatique, distribution, industrie du jeu vidéo, France.
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Malgré le développement des travaux de recherche sur le jeu vidéo en France ces dernières années, l’histoire du jeu vidéo en France et de la naissance de l’industrie vidéoludique en particulier restent mal connue. La meilleure synthèse rédigée à son sujet nous provient de Tristan Donovan, qui y dédie un chapitre de son ouvrage Replay (Donovan, 2010, p. 124-137). Les travaux universitaires sont de leur côté peu nombreux, s’arrêtant bien souvent à quelques mémoires (De Oliveira, 2008) ou articles (Mustar, 1988). Ces recherches, s’attardant souvent sur la croissance des structures d’édition et de développement de jeux vidéo, font bien souvent l’impasse sur les conditions de leur naissance.
Des travaux récents ont mis en lumière les difficultés de l’industrie vidéoludique française face à la concurrence internationale autour de la première génération de consoles, et l’importance de l’importation de machines étrangères dans la constitution du marché du jeu vidéo en France (Audureau, 2014, p. 123-134). Du milieu des années 1970 au début des années 1980, la France est avant tout un marché d’importation, structuré par les sociétés de distribution et de commercialisation de machines et de logiciels. La décennie 1980 voit néanmoins la naissance d’une industrie du logiciel de jeu, autour de sociétés d’édition prolixes comme Loriciels, et dans le contexte de l’essor de l’industrie européenne, très largement orientée autour de la micro-informatique, formant un « système d’expérience » caractéristique de l’industrie européenne (Triclot, 2011, p. 98) – nous nous plaçons ici dans la perspective des travaux de Mathieu Triclot, qui distingue plusieurs régimes de jeu, le jeu d’université, le jeu d’arcade et le jeu domestique (Triclot, 2011), qui se caractérisent eux-mêmes par des logiques et des réseaux de distribution différents (Sidre, 2014). Quelles sont alors les conditions de la naissance de cette industrie, et comment s’amorce le passage d’une industrie d’importation à une industrie de création, au début des années 1980 ?
Avant de répondre à cette question, nous reviendrons, dans une première partie de ce travail, sur la manière dont se mettent en place les structures de distribution avant la date importante de 1983. Une seconde partie de cette réflexion sera dédiée à cette même année 1983, et à l’activité d’édition que développent à ce moment les magasins et les distributeurs. Enfin, dans un dernier temps, nous tâcherons d’évaluer les apports de ces structures de distribution à la nouvelle industrie française du jeu vidéo.
Sources
Les fonds d’archives concernant l’industrie du jeu vidéo en France sont très peu nombreux à avoir été conservés, et encore moins nombreux à être consultables librement par le chercheur. Notons l’existence d’un fonds d’importance que nous avons eu l’occasion d’utiliser dans le cadre de ce travail, composé des archives de Bertrand Brocard, gérant du magasin Micros et Robots à Chalon-sur-Saône et fondateur de la structure d’édition Cobra Soft en 1983 (De Oliveira, 2008). Pour compléter ces archives, nous avons essentiellement eu recours à la presse spécialisée (en particulier L’ordinateur individuel, Tilt et Hebdogiciel, de la création de ces titres à la fin des années 1980) en s’attardant sur la documentation publicitaire qui s’y trouve (Noyer, 2001). Plusieurs entretiens avec les acteurs de la période ont été réalisés. Enfin, en nous appuyant sur les méthodologies enseignées en bibliographie matérielle et en histoire du livre (Sidre, 2014), nous avons travaillé à l’étude des packagings de jeux vidéo et des traces qui s’y trouvent. Notons à ce titre que très peu de packagings et de jeux de la période que nous étudions ici, le tournant de 1983, ont été conservés, que ce soit par les structures associatives(1) comme par les institutions étatiques.
I / Micro-ordinateurs et jeux vidéo en France : un état des lieux en 1983
A) Avant 1983, une industrie d’importation
Le marché du jeu vidéo en France se développe grossièrement en trois étapes sur lesquelles nous tâcherons ici de revenir.
Dans un premier temps, c’est l’arrivée des consoles de première génération sur le territoire au milieu des années 1970, à commencer par l’Odyssey de Magnavox, vers 1974-1975. Ces consoles de première génération développent leur présence tout au long des années 1970, et voient même l’apparition d’une première industrie de création française, avec notamment l’activité de la Société Occitane d’Électronique autour de Toulouse,(2) qui réalise plusieurs machines ; industrie qui ne poursuit toutefois pas sa croissance (Audureau, 2014).
Le marché du jeu vidéo ne commence réellement à décoller qu’avec l’arrivée en France des micro-ordinateurs grand public, l’Apple II en septembre 1977, puis le TRS-80 et le Commodore PET au printemps 1978,(3) qui représentent en 1982 plus des trois quarts des 70 000 machines présentes sur le territoire (Brémond, 1982, p. 233). Outre le fait que ces machines donnent une première impulsion au marché de la micro-informatique en France, elles s’accompagnent d’une offre notable de logiciels de jeux importés par plusieurs magasins en France. Elles rencontrent un succès certain.
Mais c’est surtout à partir de 1980 que le marché prend son essor, avec l’arrivée des consoles de deuxième génération. Quatre en particulier dominent celui-ci : le Videopac,(4) l’Atari 2600, l’Intellivision et la Colecovision,(5) importées entre 1980 et 1983. La période voit les débuts de la réelle structuration du marché.
B) La naissance des réseaux de distribution
1° Micro-ordinateurs et débuts de la structuration du marché
Soulignons dans un premier temps la très grande diversité des pratiques de distribution et d’achat du produit vidéoludique et micro-informatique au cours des années 1970, et encore pendant une large partie des années 1980. Il faut noter en particulier l’importance de la pratique de l’import direct,(6) où des consommateurs vont commander les produits qui les intéressent à l’étranger, voire auprès du producteur, parfois par intérêt économique, mais bien souvent pour pallier l’absence de réseaux de distribution efficaces et suffisants pour alimenter le marché local.
La structuration des réseaux de distribution du jeu vidéo commence à s’opérer avec le rôle des trois principaux constructeurs de micro-ordinateurs, Apple, Commodore et Tandy, qui, après avoir restructuré leurs réseaux de revente aux États-Unis à la fin des années 1970,(7) réorganisent la distribution de leurs machines en Europe, mettant en place des logiques qui dépassent bien souvent les frontières – Tandy Europe s’organise ainsi depuis Lille. De son côté, Apple s’implante en 1982 en France, et retire la distribution de sa machine des mains de la société Sonotec(8), pour la confier au grossiste Seedrin(9) – non sans affecter les éditeurs de logiciels affilés à Sonotec, comme Saari.
2° Le rôle des consoles de jeux
C’est réellement avec les consoles de jeux que le marché et les réseaux de distribution s’organisent, au début des années 1980. Chaque constructeur ou distributeur d’une console, tantôt s’installe directement en France, comme Atari, tantôt confie sa distribution à un intermédiaire, comme Coleco qui choisit Ideal Loisirs. Il est intéressant de noter ici que les différentes consoles vendues suivent bien souvent des circuits différents au cours de leur commercialisation. Ainsi, Atari et Philips passent par les réseaux de magasins de hi-fi pour l’Atari 2600 et le Videopac. À l’inverse, Mattel et Coleco passent par les réseaux du jouet avant tout – ainsi, Ideal Loisirs est à l’origine l’importateur du Rubik’s Cube en France,(10) ainsi que de plusieurs jeux électroniques.
Notons enfin que la période voit la naissance des deux premiers grossistes français spécialistes en matière de jeux vidéo : ASCRE, dont l’activité se cantonne à la fin des années 1970 et tourne autour de l’Apple II et du PET, et Monaco Computing Corporation, premier distributeur de la Société Occitane d’Électronique,(11) et qui se diversifie par la suite, poursuivant son activité de 1979 à 1984.
C) Le développement des réseaux de revente
1° Un développement inégal sur le territoire
Soulignons dans un premier temps que les boutiques commercialisant du jeu vidéo en France sont rarement spécialisées en la matière, et sont bien plus souvent des boutiques de micro-informatique, voire des établissements se diversifiant, et venant de divers milieux (jouet, électronique, livre, etc.).
Le développement des boutiques de micro-informatique suit avant tout la géographie urbaine, se concentrant sur les zones démographiques denses. Par conséquent, hors des grandes villes, les boutiques et les services sont peu nombreux, expliquant l’importance d’activités comme l’import direct, mais également la vente par correspondance pratiquée par de très nombreux établissements. Un réseau de points de vente quelque peu équilibré est permis par le développement, dans les décennies précédant la naissance de l’industrie vidéoludique française, des grandes surfaces culturelles, à l’image de la FNAC(12) et de Nasa(13), qui proposent notamment des produits micro-informatiques, machines et logiciels.
Pour le reste, la grande majorité des boutiques des années 1970 et du début des années 1980 apparaît en région parisienne, principalement autour des cinquième, dixième et quinzième arrondissements. Nombre de ces établissements sont accolés à d’autres structures, tantôt des distributeurs et importateurs, tantôt des magasins traitant d’autres objets et développant des départements dédiés à la micro-informatique. À partir du début des années 1980, le rythme de création de nouvelles enseignes devient moins soutenu, mais nombre de magasins ouvrent un second point de vente, bien souvent sur une autre rive.(14)
2° Une grande diversité des boutiques
Plusieurs types d’établissements existent en même temps en région parisienne.
Soulignons dans un premier temps la spécificité des structures des quatrième, cinquième et sixième arrondissements : boutiques avant tout dédiées à des publics étudiants, surtout autour de l’université de Jussieu, ces établissements à l’origine orientés vers le jouet, le jeu de rôle et le wargame, pour certains des librairies, s’ouvrent à la micro-informatique. Ce profil de magasins reste très localisé géographiquement.(15)
Deux types de structures modèlent les réseaux de commercialisation de la micro-informatique à l’époque : ce que l’on appellera les boutiques spécialisées et les boutiques de référence. Les boutiques spécialisées, en s’orientant très principalement vers une production, souvent en direction d’un constructeur en particulier, apparaissent comme des lieux importants pour les utilisateurs des machines concernées – ainsi, à Paris, Goal Computer(16) avec les micro-ordinateurs Dragon, ou Électron(17) et Micro-Vidéo(18) qui font des consoles de deuxième génération leurs produits phares.
Les boutiques de référence sont quant à elles rarement spécialisées, mais apparaissent comme des établissements de référence aux yeux des utilisateurs de l’époque, de par notamment leur médiatisation dans la presse spécialisée, via les articles comme les contenus publicitaires : c’est ainsi le cas à Paris d’Illel, de Sivea, de La règle à calcul, mais également d’Ellix. Cette médiatisation est souvent très intéressante à étudier : le magasin va réellement acquérir une personnalité, via sa présentation dans la presse spécialisée,(19) ou la mise en avant dans ses publicités de la figure même de ses gérants, comme dans le cas de Daniel Illel, gérant d’Illel.
D) Figure de l’utilisateur en 1983
Cet état des lieux serait incomplet sans une évocation de la manière dont se construit l’utilisateur de micro-ordinateur à l’époque. Plusieurs enquêtes réalisées par L’ordinateur individuel, premier périodique français dédié à la micro-informatique,(20) sur son lectorat, nous renseignent sur le profil-type de cet usager.(21) L’utilisateur est ce que l’on appelle un « hobbyiste ». Il ne possède pas nécessairement une machine – point sur lequel nous reviendrons – et utilise un micro-ordinateur avant tout pour son plaisir ou pour de la gestion personnelle et de la domotique, rarement pour son travail : il est par ailleurs rarement informaticien de profession. L’autre particularité du hobbyiste est l’importance qu’il donne à l’activité de programmation, typique du micro-ordinateur : l’une des particularités de l’époque est qu’en effet, selon le magazine, « tout le monde programme ».(22) Plusieurs formes d’expression vidéoludique émanent par ailleurs de telles approches de la machine, comme l’importance donnée au listing, code à recopier sur son micro-ordinateur, et publié dans la presse ou dans des ouvrages spécialisés.
L’ordinateur individuel occupe un rôle important dans la promotion de l’activité de programmation. Dans un éditorial paru en 1979, Jean-Pierre Nizard, éditeur du magazine, décrit ainsi le jeu vidéo comme la porte d’entrée vers la micro-informatique(23) – remarque d’autant plus pertinente que nombre de programmes de jeu des années 1970 reproduisent des formes connues des utilisateurs, jeux « classiques », jeux de cartes ou clones de jeux d’arcade. Surtout, Jean-Pierre Nizard fait de la programmation la réelle activité ludique sur micro-ordinateur. L’idée qu’il développe est que ce n’est qu’en programmant que le hobbyiste touchera à l’essence de la micro-informatique, et surtout s’amusera réellement : c’est ici l’acte de programmation qui devient l’acte réel de jeu, l’activité ludique par excellence sur micro-ordinateur.(24)
II / La naissance de l’industrie et l’émergence des distributeurs-éditeurs
A) L’industrie au tournant de 1983
L’une des premières transformations que connaît le marché en 1983 est le retour sur le devant de la scène des micro-ordinateurs, et la marginalisation progressive, mais pas instantanée pour autant, des consoles de jeu.
La période voit en effet la forte inflation du nombre de micro-ordinateurs présents sur le territoire, pour nombre d’entre eux de conception européenne, et notamment française. Si l’industrie micro-informatique française existait déjà au préalable, avec des constructeurs comme la Société Occitane d’Électronique et Logabax,(25) plusieurs nouveaux constructeurs vont développer leur activité, comme Thomson, Exelvision ou encore Matra. À cette même époque, deux micro-ordinateurs en particulier, provenant d’Angleterre, vont peser dans la naissance de l’industrie créatrice française : le Spectrum, et surtout l’Oric, sur lequel nous reviendrons.
Mais si l’année 1983 est considérée comme celle de la naissance de l’industrie vidéoludique française, c’est avant tout pour l’apparition de nombreuses nouvelles structures qui vont contribuer à son organisation. C’est dans un premier temps l’apparition de la presse vidéoludique, avec Tilt, premier magazine français intégralement dédié au jeu vidéo, dès l’automne 1982.(26) C’est surtout l’émergence de nombreux éditeurs et développeurs français, au cours de l’année 1983 : Loriciels et Infogrames, qui vont contribuer à l’organisation de l’industrie tout au long des années 1980, mais également Édiciel, Cobra Soft, Froggy Software, Ère Informatique, etc. Enfin, la période voit la naissance de deux des quatre grandes structures de distribution qui vont organiser le marché au cours de la décennie : Innelec, principal grossiste en matière de jeux vidéo, autour de la personnalité de Denis Thebaud, et Micromania, alors exclusivement orienté vers la vente par correspondance.(27)
B) Le revendeur comme « surface de contact »
1° La boutique et sa clientèle
Nous empruntons l’expression de « surface de contact » à Fernand Braudel, qui décrit ainsi l’activité des boutiques dans son ouvrage Civilisation matérielle, économie et capitalisme, sur la naissance du capitalisme à l’époque moderne (Braudel, 1979, p. 7). La comparaison entre les boutiques à la période étudiée par Braudel, et les revendeurs de micro-informatique dans les années 1980, nous semble pertinente sur plusieurs points.
Dans un premier temps, la surface de contact décrite par Braudel est celle qui s’opère entre le public et l’industrie productrice. En relayant des produits, en comblant par ailleurs bien souvent un manque pour la clientèle, à l’époque moderne comme aujourd’hui, le revendeur est réellement ce contact entre le client venu acheter une machine, et la société qui la produit et la fait distribuer. Mais l’effet de surface de contact s’opère surtout entre les clients eux-mêmes, la boutique leur offrant un lieu de réunion, de rencontres, et par extension de synergies. Ce simple effet de rencontres participe de la naissance de l’industrie : c’est ainsi au sein du magasin Illel que le développeur Jean-Louis Le Breton, avant de fonder la structure d’édition Froggy Software, rencontre son premier éditeur, Ciel Bleu.(28) Par ailleurs, un membre du club Europe Oric nous avait dit, lors d’une discussion,(29) rencontrer régulièrement dans les locaux de l’importateur ASN Diffusion(30) d’autres utilisateurs d’Oric, avec lesquels étaient échangés des astuces, de programmation notamment, des programmes, des composants électroniques, etc.
Cette notion de surface de contact nous amène à nous interroger sur les raisons qui conduisent le public à fréquenter les boutiques. En effet, au-delà des services marchands qu’elles proposent, les boutiques sont avant tout des lieux où l’on trouve des machines, machines que ne possèdent pas nécessairement les utilisateurs et les hobbyistes. Les magasins sont ici des lieux de sociabilité et de partage d’une culture micro-informatique commune, au même titre que les clubs ou que d’autres lieux particuliers. Les hobbyistes y viennent pour utiliser les machines, pour jouer, pour programmer, mais également pour pirater, comme ils le feraient dans ces autres lieux de sociabilité – ainsi, le Centre mondial de l’informatique est renommé Centre mondial de piratage par Hebdogiciel, eu égard à l’usage détourné qu’en ont ceux qui le fréquentent.(31)
2° La naissance des distributeurs-éditeurs
C’est à ce point que s’opère la naissance des distributeurs-éditeurs. Dans nombre de magasins est observée cette activité de fréquentation, mais aussi et surtout d’usage des machines par les hobbyistes. Dans le cadre d’une industrie naissante, où les interrogations et les découvertes sont nombreuses, les contacts sont alors fréquents entre les gérants et la clientèle – plus encore dans les espaces de référence, comme à Ellix où les vendeurs sont décrits par le langage publicitaire comme des « animateurs ».(32) Observant en particulier l’activité de programmation des hobbyistes, les revendeurs vont bien souvent y voir un intérêt, financier ou autre, et proposer à ces mêmes hobbyistes d’être édités et commercialisés au sein du magasin où ils ont programmé leurs jeux.
Notons à ce titre que l’activité d’édition n’est pas une entière nouveauté pour les boutiques. Nombre de revendeurs ont ainsi déjà une activité de localisation, de programmes comme de machines, nécessitant la confection de packagings, comme lorsqu’Ellix commercialise l’Oric.(33) Les magasins sont donc parfois coutumiers des processus de conception et de transformation d’un jeu vidéo et de son support.
Le phénomène est surtout spectaculaire par l’ampleur qu’il prend autour de 1983, coïncidant avec le développement de la micro-informatique en France, et sa démocratisation de plus en plus importante. Des exemples plus anciens nous permettent de souligner que la naissance des distributeurs-éditeurs n’est pas un phénomène instantané. Ainsi, dès 1981, Sideg, boutique de micro-informatique du quinzième arrondissement de Paris, a une activité d’édition sur Apple II, Commodore PET et TRS-80. À partir de 1982, Procep, importateur des machines de Commodore, et Ellix, développent une activité d’édition autour du PET. L’inflation a réellement lieu en 1983, avec Innelec, R.U.N. Informatique, Cobra Soft – structure d’édition alors adjointe au magasin Micros et Robots –, Video Telemat Report et Vismo. D’autres structures ont peut-être également eu une activité d’édition plus ou moins importante, sans toutefois le manifester publiquement, par la publicité notamment.
C) De la variété des distributeurs-éditeurs
1° Une activité plus ou moins importante
Pour plusieurs de ces distributeurs-éditeurs, l’activité d’édition reste très peu importante au cours des années 1980. Si l’exemple de R.U.N. Informatique s’avère particulièrement intéressant à étudier, la société ne publie ainsi que deux jeux en 1983 : Le mur de Berlin, clone de Frogger où le joueur doit traverser le mur de Berlin, et Le ballon d’or, jeu de football.(34) D’autres distributeurs-éditeurs ont une activité plus prolixe, mais n’en font pas la publicité, comme Sideg, qui communique uniquement dans ses catalogues sur son travail d’édition, et pas dans ses publicités.
À l’inverse, les structures mises en place peuvent s’avérer très importantes. Le cas le plus notable reste ici celui d’Innelec qui, en 1983, met en place un label entier dédié à l’activité d’édition, No Man’s Land. L’activité d’édition ne s’arrête qu’en 1986, faisant d’Innelec le seul distributeur-éditeur à conserver sa double activité au-delà de 1984.(35)
L’exemple le plus spectaculaire de distributeur-éditeur de la période reste celui de Video Telemat Report, boutique du XVIIIème arrondissement de Paris. Le magasin, à l’origine spécialisé autour du micro-ordinateur Spectrum, commercialise dès 1983 plusieurs jeux de son gérant Jesus Fernandez ; la production s’ouvre peu à peu à d’autres auteurs. La majorité de ces programmes sont des clones de jeux déjà existants, parfois agrémentés d’un habillage : Tamponneur est ainsi un clone de Pac-Man où les personnages sont remplacés par des voitures – fantômes pour certaines – et où le labyrinthe devient un circuit de course.(36) Surtout, un adaptateur est développé par le magasin pour permettre la lecture des programmes réalisés. C’est une réelle machine dans la machine que développe Video Telemat Report, comme en témoignent par ailleurs les projets de périphériques et de logiciels divers lancés par le revendeur. La tentative ne connaît toutefois pas de suite, et faute d’interview des gérants du magasin, il est difficile de faire des hypothèses sur leurs motivations réelles. Le cas de Video Telemat Report reste à notre connaissance unique en France.
2° Des motivations diverses
Dans la plupart des cas, c’est avant tout l’opportunisme qui pousse les revendeurs à diversifier leur activité vers l’édition des hobbyistes : en observant leur clientèle programmer des jeux vidéo sur leurs machines, les boutiques y perçoivent une manne financière potentielle, et s’attachent à transformer leurs programmes en des produits commercialisables. À ce titre, le bénéfice ne se fait pas uniquement en termes financiers, mais également en termes d’image : un revendeur qui édite sa clientèle sera plus enclin à faire parler de lui, dans la presse comme par le bouche à oreilles.
Émerge toutefois assez vite une autre motivation aux distributeurs-éditeurs, ou tout du moins à une partie d’entre eux : permettre le développement d’une industrie de création française, ou tout du moins en français. C’est à ce dernier cas que peut être rattaché Innelec, dont le fondateur Denis Thebaud insiste sur les processus de traduction des programmes importés, et la nécessité de proposer aux clientèles des programmes en français(37) : le développement des activités de No Man’s Land va aussi dans ce sens, lorsque ce même Denis Thebaud évoque avoir mis en place cette activité d’édition pour combler un manque sur le marché.(38) La démonstration est plus claire encore chez R.U.N. Informatique qui, en faisant la publicité de ses deux programmes, titre « Enfin ! Deux jeux français ! »(39)
III / La naissance de l’industrie vidéoludique française
A) Un nouveau statut pour le jeu vidéo
1° De la « non-économie » à « l’économie »
Nous reprenons ici encore une expression de Fernand Braudel, employée lorsque celui-ci, évoquant le rôle des boutiques dans la naissance du capitalisme, mentionne la manière dont les objets qu’elles commercialisent passent d’un statut à l’autre (Braudel, 1979). Là encore, la comparaison avec l’industrie naissante du jeu vidéo et le rôle des distributeurs-éditeurs nous semble pertinente. Avant d’être édité, lorsqu’il est simplement écrit par un hobbyiste, le programme de jeu fait partie de la « non-économie », c’est à dire qu’il est produit et surtout échangé hors des circuits marchands, il ne contribue pas à ceux-ci : il en va ainsi quand le programme de jeu est échangé dans le groupe de pairs, suivant des mécanismes parfois proches du troc, ou diffusés à plus grande échelle sous forme de listings ou via les réseaux pirates. Lors de l’étape d’édition par le distributeur-éditeur, le jeu vidéo rentre dans l’économie au sens de Fernand Braudel, il rentre dans les réseaux marchands, pour être commercialisé dans le cadre du magasin, voire – consécration ultime – dans d’autres magasins, Ellix, par exemple, commercialisant ses programmes à La règle à calcul.(40)
Mais le distributeur-éditeur fait un peu plus que permettre au jeu vidéo de rentrer dans le cadre de l’économie. En tant que structure de revente, le distributeur-éditeur fait la publicité des programmes qu’il édite, que ce soit dans son langage publicitaire comme pour Innelec, ou dans l’espace même du magasin comme pour Cobra Soft et Micro et Robots.(41) Olivier Bomsel, dans son étude des protocoles éditoriaux, souligne ainsi l’importance de la monstration dans le processus de publication – la publication étant elle-même une monstration, le fait de rendre public quelque chose, de le montrer (Bomsel, 2013). Le distributeur-éditeur est alors la structure qui va montrer, publier les jeux qui y sont commercialisés.
C’est à ce moment que le jeu vidéo change de statut, en passant de la non-économie à l’économie, en passant du domaine du privé, celui où le hobbyiste l’échange avec son groupe de pairs, voire utilise le programme sur sa machine uniquement, à l’espace public, à l’espace où le programme est exposé, mis en avant, commercialisé, diffusé au sein de réseaux marchands qui sanctionnent, par leur seule action de commerce, ce nouveau statut du produit vidéoludique.
2° Les premières étapes de la naissance de l’auteur
Le programme vidéoludique n’est pas le seul à tirer profit de cette étape de monstration.
Avant de pousser plus en avant notre réflexion, rappelons que dans les années 1970-1980, le développement vidéoludique est encore principalement un travail individuel, impliquant tout au plus quelques personnes. Le développement d’un programme revient bien souvent à un individu, dont la fonction peut dépasser le code pour toucher à la conception des musiques, des graphismes, de la boîte du jeu, etc.
L’auteur est encore rarement identifié au cours des années 1970-1980, que ce soit sur les jeux eux-mêmes comme dans sa mise en scène médiatique. Les quelques exceptions, comme le cas de Scott Adams, développeur de jeux d’aventure prenant place dans l’univers de Marvel sur Apple II, ont souvent tendance à confirmer la règle. Une partie des distributeurs-éditeurs innovent en la matière, s’attachant à faire mention au développeur d’un programme. Ainsi, la boutique Ellix emploie cette curieuse formule sur la jaquette de Pengoric en 1983, « Ellix et l’auteur vous présentent Pengoric ».
Le cas le plus remarquable est ici encore celui de R.U.N. Informatique qui, dans ses publicités, présente nommément l’auteur de ses programmes, Hervé Le Marchand ou Le Marchant – les deux orthographes ont été trouvées –, élève de l’École Centrale.(42) Le même Hervé Le Marchand écrit, un mois avant la première publicité de R.U.N. Informatique, une lettre à Tilt où il se présente comme « auteur de jeu vidéo ».(43) Ce cas d’identification comme auteur de jeu vidéo reste unique à notre connaissance dans la production française, et la création vidéoludique reste assez peu associée à une personne en particulier au cours des années 1980, mais l’exemple de R.U.N. Informatique n’en reste pas moins intéressant à observer.
B) Des micro-scènes locales aux premiers grands éditeurs
1° Scènes locales, scènes nationales
L’importance des différents distributeurs-éditeurs dépend pour beaucoup de leur zone d’attractivité, en tant qu’éditeurs certes, mais avant tout en tant que revendeurs, puisque c’est sous cette forme que les hobbyistes vont les découvrir en premier. Les structures à l’activité d’édition la plus notable sont ainsi tantôt des « boutiques de référence », comme Ellix et Sideg, tantôt des distributeurs dont l’influence est nationale, comme Procep et surtout Innelec. Le cas d’Innelec est d’autant plus pertinent à observer que le distributeur exerçait à l’origine une activité de vente par correspondance, bien que restée très courte. Ces établissements fondent leur réputation avant tout sur les publicités qu’ils publient dans la presse spécialisée, et ici encore l’exemple d’Innelec est celui qui se distingue le plus. À l’image de plusieurs autres distributeurs-éditeurs, mais de manière plus importante encore, la société glisse ainsi dans ses publicités des encarts annonçant être à la recherche de développeurs souhaitant être édités, lui donnant ainsi une vocation nationale.(44)
À contre-courant, Micros et Robots-Cobra Soft renvoie à un cas singulier d’édition régionale. Le revendeur, basé à Chalon-sur-Saône en Bourgogne, est l’un des seuls établissements du département, et draine bien vite une clientèle qui va de Dijon à Lyon, soit une très large partie de la région.(45) On y retrouve les mêmes processus d’édition et de mise en avant des jeux édités au sein du magasin qu’ailleurs, à la différence toutefois qu’en tant que seule boutique d’importance de la région, Micros et Robots suscite un bouche-à-oreille qui y entraîne de nombreux développeurs potentiels. Le mécanisme est ici simple : des hobbyistes de la région sont édités par la structure, leurs jeux sont mis en avant dans le magasin, ils invitent leurs amis à venir les voir mis en avant, lesquels amis proposent leurs propres jeux et parlent de la structure autour d’eux, et ainsi de suite. En l’état, nous ne savons pas si d’autres scènes régionales ont pu se développer ailleurs en France, et des recherches plus poussées sur la question seraient nécessaires.(46)
2° Le cas d’Ellix
Le cas d’Ellix est particulièrement intéressant à étudier, apparaissant comme le phénomène le plus notable et le plus fondateur de la période.
Ellix est un magasin de micro-informatique situé près de la Gare de Lyon à Paris, dont Laurant Weill est l’un des co-gérants.(47) Dès 1982, le magasin place les machines de Commodore au cœur de sa stratégie et entame une activité d’édition autour de celles-ci.(48) En janvier 1983, Ellix devient le premier importateur de l’Oric sur le territoire. Bien vite rejoint par le magasin JCS Composants(49) et le distributeur ASN Diffusion, la boutique arrive néanmoins à s’affirmer comme un espace de référence, et spécialisé principalement en Oric, dans la première moitié de 1983 : elle intensifie son activité d’édition, profitant ici d’un effet d’exclusivité en la matière et autour de la machine. À l’été 1983 toutefois, alors que l’activité d’édition d’Ellix ne cesse de prendre de l’importance, ASN Diffusion obtient le marché exclusif du micro-ordinateur.
Autour d’Ellix, de très nombreux hobbyistes intéressés par l’Oric se rencontrent, échangent, et surtout programment. Une réelle communauté de développeurs se forme à l’époque, d’autant plus notable par son importance que l’on en retrouvera les membres dans l’industrie vidéoludique française, au cours des années 1980 et 1990. C’est ainsi le cas de Carlo Perconti, qui développera Jeep et Hubert pour Loriciels ; c’est également le cas des frères Hervé et Éric Caen, futurs fondateurs de la société d’édition Titus en 1985.(50)
À l’automne 1983, face à l’intensification de l’activité d’édition, Laurant Weill décide de quitter Ellix pour fonder une structure d’édition à part entière, où il est suivi par nombre de ces développeurs, ainsi que d’autres comme Pierre Faure : Loriciels. L’événement est ici très important pour la naissance de l’industrie vidéoludique française, et ce, pas seulement parce que Loriciels est l’un des principaux éditeurs de jeux vidéo en France au cours des années 1980. En effet, témoignant avec recul de sa décision, Laurant Weill évoque la nécessité qui s’était affirmée à l’époque de séparer les deux activités, de séparer ce qui était de plus en plus perçu comme deux métiers à part entière.(51) En une expression, Laurant Weill synthétise ici l’une des principales transformations de l’industrie française au cours des années 1980, la façon dont les activités d’édition et de distribution se sont peu à peu séparées, ont vu leurs structures se détacher l’une de l’autre, allant de pair avec l’apprentissage d’un nouveau métier, celui d’éditeur.
Conclusion
Mis en regard avec l’histoire du jeu vidéo en France, le phénomène des distributeurs-éditeurs apparaît comme un épi-phénomène, comme un événement éphémère. Néanmoins, les structures qui se développent à l’époque portent en elles la majorité des problématiques qui vont se poser à l’industrie au cours des années 1980 (place de l’auteur, rapport aux producteurs et aux importateurs), et surtout préparent la structuration de cette même industrie, en contribuant à l’apprentissage du métier d’éditeur, à la formation et à la reconnaissance des auteurs, au développement de groupes de développeurs.
Le phénomène ne doit pas être surestimé pour autant. Il est nécessaire de prendre en compte la multiplicité des modèles qui apparaissent à l’époque. C’est ainsi à la marge des réseaux de distribution que se met en place la structure d’Infogrames, avec Loriciels l’autre éditeur important des années 1980. De même, nous avons choisi dans le cadre de cet article de nous concentrer sur la production éditée et commercialisée, la production faisant partie de « l’économie ». En marge de celle-ci, de nombreux jeux, de nombreuses œuvres restent pour beaucoup méconnues, en attente d’autres travaux et d’autres recherches, d’autres pierres apportées à l’histoire du jeu vidéo en France.
Notes
(1) Nous avons en particulier utilisé les collections de l’association parisienne MO5.COM.
(2) La Société Occitane d’Électronique, fondée en 1976 à Toulouse, développe plusieurs modèles de consoles de jeux vidéo de type Pong – les consoles Occitel notamment – tout en participant aux premiers projets de développement de l’informatique dans les établissements scolaires (Audureau, 2014). La Société Occitane d’Électronique arrête toutefois son activité en juin 1980. DISABEAU (Christophe), « L’informatique individuelle : un peu d’histoire », L’ordinateur individuel n°36, avril 1982, p. 157-161.
(3) Les dates nous sont données par le dossier « 46 ordinateurs de 900 F à 25 000 F », dans L’ordinateur individuel n°3, décembre 1978, p. 36-52.
(4) Le Videopac correspond à l’Odyssey 2 importée par Philips.
(5) Les quatre consoles étaient déjà identifiées comme dominant le marché en 1983 par Christian Gros et Rémy Pernelet, dans Jeux vidéo.
(6) SAVONET (Bernard), « Acheter par correspondance aux États-Unis, une bonne affaire ? », L’ordinateur individuel n°20, septembre 1980, p. 48-51.
(7) Brève sans titre, dans L’ordinateur individuel n°17, mai 1980, p. 117.
(8) Sonotec est dans la pratique l’un des nombreux importateurs de l’Apple II en France à la fin des années 1980, même si le seul à notre connaissance à avoir été reconnu comme importateur officiel. Le fondateur de Saari, Alain Zimeray, s’avère être le fils de Georges Zimeray, président-directeur-général et principal actionnaire de Sonotec (Guetta, 1990). SAVONET (Bernard), SEYMOUR (Philippe), TREVILY (Hervé), « Apple II au banc d’essai », L’ordinateur individuel n°10, septembre 1979, p. 56-64.
(9) Brève sans titre, dans L’ordinateur individuel n°36, avril 1982, p. 52.
(10) Publicité « Rubik’s Cube », Jeux et Stratégie n°6, décembre 1980-janvier 1981, p. 59.
(11) D’après une lettre envoyée par la société à L’ordinateur individuel n°11, octobre 1979, p. 15.
(12) Fondée en 1954, la chaîne de magasins FNAC distribue très tôt du jeu vidéo ; il faut néanmoins attendre la création des premiers rayons dédiés au logiciel par Claudius Erhardy pour que le medium vidéoludique commence à y être réellement mis en avant, vers 1980 (Gorges, 2011).
(13) Nasa est une chaîne de magasins spécialisée en hi-fi et en informatique, qui se développe en France de l’ouverture d’un premier point de vente en 1983, à ses importantes difficultés financières à partir de 1986 – la chaîne regroupe alors cent quatorze points de vente franchisés, tout en faisant office de centrale d’achat pour d’autres revendeurs. « Nasa : des « erreurs de gestion » », Hebdogiciel n°158, 24 octobre 1986, p. 11.
(14) Ces observations ont été faites en dépouillant la presse spécialisée, principalement L’ordinateur individuel et Tilt, et en particulier les annuaires et les publicités s’y trouvant.
(15) Ces établissements sont mis en avant par le périodique Jeux et Stratégie qui, s’intéressant au jeu sous toutes ses formes et en particulier au jeu de plateau et au jeu vidéo, insiste et met en avant les boutiques orientées vers le jeu de manière générale.
(16) Le magasin Goal Computer, spécialisé en micro-informatique et ouvert en 1982 dans le dixième arrondissement de Paris par Franck Algard, se dote au cours de la première moitié des années 1980 d’une réelle structure de distribution dédiée au Dragon, Espace Micro. « Espace Micro : 48 h top chrono », Tilt n°25, octobre 1985, p. 12.
(17) Située dans le dix-septième arrondissement de Paris, la boutique Électron, ouverte par Yvan Coriat, organise notamment avec Mattel le « premier open de tennis » à Paris sur console Intellivision, en octobre 1983. Publicité Electron/Mattel Electronics, Tilt n°7, septembre-octobre 1983, p. 23.
(18) L’activité de la boutique Micro-Vidéo, située dans le dixième arrondissement de Paris, a été suffisamment importante pour que ses dirigeants, les frères Philippe et Godefroy Giudicelli, évoquent à Tilt leur projet de développer un système de franchise à partir du magasin – projet avorté à notre connaissance. ILOUS (Joëlle), « Pas de panique ! », Tilt n°7, septembre-octobre 1983, p. 16-61.
(19) Ainsi, Jeux et Stratégie se réfère très souvent à Illel et La règle à calcul lors de tests de machines et de logiciels de jeux, pour la fourniture du matériel et les conseils et remarques des revendeurs.
(20) Le premier numéro de L’ordinateur individuel date d’octobre 1978.
(21) Ainsi, une enquête au cours de l’été 1980, dont les résultats sont présentés dans L’ordinateur individuel n°20, septembre 1980.
(22) La phrase est de Bertrand Brocard, dans un entretien effectué le 11 septembre 2012.
(23) NIZARD (Jean-Pierre), « Édito », L’ordinateur individuel n°9, juillet-août 1979, p. 5.
(24) Il est difficile de déterminer en quelle mesure l’éditorial paru dans L’ordinateur individuel, alors magazine de référence pour les hobbyistes, a réellement influencé ou non le comportement des utilisateurs, et leur perception de la micro-informatique. Néanmoins, plusieurs idées relayées par cet éditorial se retrouvent dans le discours des acteurs de l’industrie, au cours des années 1980, nous incitant à y voir un texte important.
(25) Logabax est un constructeur de micro-ordinateurs français des années 1970, qui participe notamment au plan « 10 000 micros » visant à l’équipement des établissements scolaires en micro-ordinateurs, et dont l’activité s’arrête en 1981. Brève sans nom, dans L’ordinateur invididuel n°29, juillet-août 1981, p. 129.
(26) Le premier numéro date de septembre-octobre 1982.
(27) Les deux autres structures de distribution importantes dans les années 1980 sont Guillemot International Software, se diversifiant au cours des années 1980 dans la micro-informatique, et France Image Logiciel, qui se crée en 1985.
(28) Ciel Bleu est alors essentiellement un éditeur qui importe sur le territoire français des jeux éducatifs produits au Québec. Entretien avec Jean-Louis Le Breton, le 28 mars 2012. On se référera également au récit de l’histoire de Froggy Software sur le site de Jean-Louis Le Breton <www.jeanlouislebreton.com>.
(29) Rencontre avec les membres du Club Europe Oric, 15 juin 2013.
(30) ASN Diffusion est en 1983 l’un des premiers importateurs de l’Oric en France. La société obtient fin 1983 un contrat d’exclusivité avec Tangerine, constructeur de la machine, et prend alors le nom d’Oric France. Lorsque Tangerine dépose le bilan en 1985, ASN Diffusion ne parvient pas à racheter la société – celle-ci revient à un autre magasin parisien, Eureka Informatique, et sa structure de distribution SPID – et se tourne par conséquent vers la distribution d’autres machines, comme le MSX Goldstar (Sidre, 2014).
(31) « Centre Mondial de Piratage », Hebdogiciel n°107, 1er novembre 1985, p. 1-18.
(32) Publicité Illel, L’ordinateur individuel n°36, avril 1982, p. 107.
(33) Entretien avec Laurant Weill, 22 octobre 2012.
(34) Publicité R.U.N. Informatique, Tilt n°8, novembre-décembre 1983, p. 46.
(35) Notons à ce titre que la figure de l’éditeur-distributeur, éditeur organisant lui-même la distribution de ses produits voire commercialisant ceux d’autres sociétés, est beaucoup plus fréquente et pérenne, et connaît encore des avatars complexes aujourd’hui avec les plate-formes de ventes de jeux en ligne.
(36) Test Tamponneur, Tilt n°13, juin 1984, p. 38-39.
(37) Nous renvoyons ici aux introductions des catalogues d’Innelec au cours des années 1980.
(38) Entretien avec Denis Thebaud, 22 mai 2012.
(39) Publicité R.U.N. Informatique, Tilt n°8, novembre-décembre 1983, p. 46.
(40) Entretien avec Laurant Weill, 22 octobre 2012.
(41) Entretien avec Bertrand Brocard, 18 mai 2012.
(42) Publicité R.U.N. Informatique, Tilt n°8, novembre-décembre 1983, p. 46.
(43) Lettre d’Hervé le Marchand à Tilt n°7, septembre-octobre 1983, p. 114.
(44) Publicité No Man’s Land, Tilt n°9, janvier-février 1984, p. 105.
(45) Entretien avec Bertrand Brocard, 18 mai 2012.
(46) Nous employons ici le terme de scène régionale dans un sens uniquement géographique : des études en histoire de l’art seraient nécessaires pour déterminer si cette expression peut avoir valeur dans une perspective esthétique, et dans le sens où une certaine école du jeu vidéo aurait pu se développer à Chalon.
(47) Nous n’avons pu retrouver l’identité de l’autre co-gérant.
(48) Publicité Ellix, L’ordinateur individuel n°36, avril 1982, p. 107.
(49) JCS Composants est l’une des premières boutiques parisiennes à commercialiser des micro-ordinateurs, dès 1978 : le magasin, situé dans le huitième puis le quinzième arrondissement, importe notamment sur le territoire une version de l’Apple II, le CAB 65, dès la fin des années 1970, ainsi que le Nascom 2 à partir de 1980 et l’Oric 1 en 1983.
(50) Entretien avec Laurant Weill, 22 octobre 2012.
(51) « Exporter ou mourir ! », Hebdogiciel n°59, 30 novembre 1984, p. 8.
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Colin Sidre est conservateur des bibliothèques. Il a soutenu en février 2014 sa thèse d’École des Chartes sur les réseaux de distribution du jeu vidéo en France, dans les années 1970-1980.