(Originalement publié le mercredi 20 juillet 2011 sur zoomshow.tv)
À l’occasion du 15e anniversaire du Festival international de films Fantasia, quel meilleur moment pour (re)découvrir ce festival atypique, et en retracer son évolution. Créé en 1996 par Pierre Corbeil, André Dubois et Martin Sauvageau, ce festival de films fantastiques s’est toujours démarqué par sa programmation hétéroclite (c’est avant tout un festival de genre, le plus reconnu en Amérique du Nord), son atmosphère euphorique (son caractère enjoué et festif en fait un festival à part dans le circuit festivalier de la province) et son public dévoué (essentiellement composé de jeunes adultes, la principale tranche d’âge étant de 20 à 40 ans, et la moyenne d’âge étant de 28 ans).
Bien qu’essentiellement consacré au cinéma de genre (et pas seulement à l’horreur comme l’ont trop souvent pensé plusieurs), le festival s’est également consacré à faire découvrir le cinéma asiatique en Amérique du Nord (le nom initial était d’ailleurs Fant-Asia). Durant ces 15 dernières années, le festival a grandement contribué à faire connaître plusieurs réalisateurs asiatiques devenus désormais cultes, et à favoriser la distribution de leurs films en Amérique de Nord. Parmi ceux-ci, on peut noter, de Hong Kong, Tsui Hark (qui s’est fait connaître avec Histoire de fantômes chinois datant de 1987) ou Johnny To (1ère et 3e place du meilleur film asiatique en 2000 avec, respectivement, Running Out of Time et The Mission, et un Fantasia d’argent en 2007 avec Exiled); de la Corée du Sud, Park Chan-Wook (Joint Security Area, 3e prix du meilleur film asiatique en 2001, Sympathy for Mr. Vengeance, prix d’Or du public en 2003) ou Kim Jee-Woon (A Bittersweet Life, Fantasia d’argent en 2006); et du Japon, Takashi Miike (plus de 5 prix à travers les années pour des œuvres telles Visitor Q, Dead or Alive 2, Ichi the Killer, Gozu, Great Yokai War et Sukiyaki Western Django), Sion Sono (qui a eu lui aussi son lot de prix avec des films tels que Suicide Club, Strange Circus, Exte : Hair Extension et l’excellent Love Exposure), Shunji Iwai (prix du meilleur film asiatique en 1998 avec Swallowtail Butterfly,), Hideo Nakata (prix du public du meilleur film asiatique en 1999 pour le très influent film de J-Horror Ring) ou Satoshi Kon (plusieurs prix dans la catégorie du meilleur film d’animation ou même du meilleur film asiatique avec Perfect Blue, Millenium Actress et Paranoia Agent).
Cependant, en dehors de cette attention asiatique, il ne faut pas négliger l’importante promotion de la part du festival pour le cinéma de genre venant du Canada, des États-Unis et de l’Europe, faisant de cet évènement le lieu de rayonnement par excellence pour les cinéastes en marge du cinéma commercial.
2011 : une année festive
Pour cette 14e itération en 15 ans (le festival a dû être annulé en 2002 en raison de rénovations du Cinéma Impérial, qui était alors le lieu de diffusion du festival avant de se déplacer à l’Université Concordia où il y est depuis), le festival fait les choses en grand avec un nombre impressionnant d’invités de marque (Guillermo del Toro, John Landis, Udo Kier) et 130 longs métrages (dont 16 premières mondiales) provenant de plus de 20 pays différents.
Le festival débute en force avec le film d’ouverture Red State, la dernière oeuvre de Kevin Smith, et un premier film de genre pour ce réalisateur très prisé auprès du jeune public. Le film de clôture est non moins prestigieux avec Don’t Be Afraid of the Dark de Troy Nixey, co-écrit et co-produit par Guillermo del Toro, probablement le cinéaste de fantastique le plus renommé grâce à des œuvres telles que L’échine du diable, Pan’s Labyrinth et Hellboy.
Mais au-delà du film fantastique et d’horreur, le festival offre un éventail générique beaucoup plus large, allant de l’animation au western, en passant par le drame, la comédie musicale ou le cinéma documentaire. En lien avec ce dernier genre, il faut souligner le documentaire québécois Art/Crime réalisé par Frédérick Maheux, qui expose la mésaventure judiciaire du maquilleur d’effets spéciaux originaire de Québec, Rémy Couture, qui fut accusé en 2009 par Interpol de corruption de mœurs pour diffusion de matériel obscène provenant de son site Web personnel qui lui permettait de promouvoir son travail. Dans ce long procès, c’est la frontière entre la fiction et la réalité qui est ici mise à mal, et encore davantage la liberté d’expression et la légitimité du travail de création de maquillages et d’effets spéciaux pour le cinéma fantastique et d’horreur, alors que la mise en œuvre de leur illusion est d’autant plus réussie qu’elle s’apparente à la réalité, au point d’en confondre les spectateurs.
Du côté du cinéma asiatique, puisqu’il est tout de même le cœur de ce festival et sur lequel je me pencherai davantage dans ma couverture de l’évènement, le programme 2011 s’annonce également très prometteur. Parmi les films les plus attendus, deux œuvres d’un des favoris du festival, Takashi Miike , avec en premier lieu 13 Assassins, un remake d’un classique du film de samouraï (réalisé originalement en 1963 par Eiichi Kudô) récompensé dans plusieurs festivals et bien reçu par la critique japonaise alors qu’il s’est hissé parmi les dix meilleurs films japonais de l’année 2010 selon le Kinema Junpo, la plus importante revue de cinéma au Japon, et le surprenant Ninja Kids!!!, un film pour enfants (!), qui démontre encore une fois la versatilité étonnante de ce réalisateur extrêmement prolifique (il a réalisé plus de 80 films depuis le début des années 90). Sion Sono, également très apprécié des festivaliers, présentera son dernier film Cold Fish, inspiré d’une histoire vraie de tueurs en série, tout comme Shunji Iwai avec Vampire, une co-production canado-américaine.
D’autres habitués japonais du festival seront également de la partie, tels que les réalisateurs de splatter ou de films d’horreur gore (mais à la sauce japonaise) Yudai Yamaguchi, avec Deadball (une suite qui n’en est pas vraiment une du film de baseball Battlefield Baseball, qui fut présenté au festival en 2003) et Yakuza Weapon (co-réalisé avec son acteur fétiche Tak Sakaguchi), Noboro Iguchi avec Tomie : Unlimited (dernier opus de la célèbre franchise de J-Horror inspiré par la manga de Junji Ito) et Karate-Robo Zaborgar (un hommage au « Super Sentai », les séries télévisées de super-héros de science-fiction ultra-populaires au Japon dont la plus marquante ici demeure Power Rangers), et finalement Yoshihiro Nishimura avec Helldriver (ce réalisateur est à la base un créateur d’effets spéciaux; il a d’ailleurs créé les effets spéciaux des films de Yudai Yamaguchi). Dans un registre plus surréaliste et humoristique, il faut également surveiller la comédie « romantique » Milocrorze : A Love Story de Yoshimasa Ishibashi (qui fut remarqué au festival il y a quelques années avec la série The Fuccons). Tous ces noms seront sur place pour présenter leurs films et répondre aux questions du public.
Du côté de Hong-Kong, quelques réalisateurs reconnus internationalement présenteront aussi leurs dernières œuvres, dont Tsui Hark avec Detective Dee and the Mystery of the Phantom Flame, présenté dans plusieurs festivals cette année, Yuen Wo-Ping, le célèbre chorégraphe de combats des The Matrix et Tigre et Dragon (Crouching Tiger, Hidden Dragon), qui nous offrira True Legend, un film d’action de haute voltige comme il en est passé maître, et Johnny To, qui nous proposera cette fois-ci une comédie sentimentale, Don’t Go Breaking My Heart, en-dehors du registre habituel des films de gangsters qui ont fait sa renommée.
Et ceci n’est qu’un bref aperçu de ce que le festival nous offre cette année. Décidément, avec sa cuvée 2011, le festival Fantasia s’annonce encore comme un évènement cinéphilique incontournable. Je vous reviens donc d’ici quelques semaines avec un compte-rendu des moments forts du festival et des films qui se seront démarqués au cours de ses trois semaines et demie.