Fantasia – SMUGGLER (Katsuhito Ishii, 2011)

(Originalement publié le 24 juillet 2012 sur la page Facebook de kinephanos.ca)

Kinuta est enseveli sous les dettes de jeu et se voit forcé de travailler comme déménageur clandestin. Mais les cargaisons sont des cadavres. Oups. Ce manga-live de Katsuhito Ishii (The Taste of Tea, Shark Skin and Peach Hip Girl) contient juste assez d’humour noir cinglant, et juste un peu trop de scènes – à mon goût – où le mot « torture » rime avec « rire » (quoiqu’il faille attendre le dernier chapitre pour cela). Adapté du manga du même titre, Ishii ne lésine pas sur les effets de style qui font écho à la bande dessinée, et cela, en ayant recours au super-ralenti (rappelant certaines scènes du délirant Milocrorze : A Love Story), où les craquements d’os, ondulation de choc sur la peau et la bave qui éclabousse par tonnes métriques, dominent l’écran. Quelques petites entorses ont été faites à l’œuvre originale. Par exemple, le patron masculin de Kinuta, qu’on appelle le « banquier », a changé de sexe. Dans le film, Ishii le remplace par une femme enfant. En effet, cette dernière semble tout droit sortie d’une activité de cosplay, il ne lui manque qu’une ombrelle. Certains yakuza sont particulièrement caricaturés, les sourcils surdimensionnés en prime. Malheureusement, l’aspect sériel du matériel source nuit au scénario, et on peine à s’identifier même au personnage soi-disant central de Kinuta, trop sensible, naïf et pleurnichard pour effectuer le travail qu’il doit accomplir. Ce qui crée des situations dérisoires, mais amusantes, comme celle où Kinuta détache leur cargaison, l’ultime assassin(!) nommé Vertebrae, sous prétexte qu’il semblait inconfortable… Quant à « la scène de torture », le manga original semble avoir fait l’économie des détails sanguinolents, et cela, contrairement au film de Ishii, et rappelle davantage, par le montage des cadres des dessins, la scène de Fight Club lors de laquelle Tyler Durden brûle la main de son acolyte joué par Edward Norton. Ce qui aurait pu être exploité plus à fond ici dans le film. Par contre, Kinuta qui aspirait devenir acteur, joue ici littéralement le rôle de sa vie. Un conseil, en allant voir Smuggler oubliez le fantaisiste et mignon The Taste of Tea du même réalisateur, et ayez Shark Skin en tête afin d’ajuster vos attentes, vous n’apprécierez le film que davantage.