Si le volet japonais a ses genres de prédilection à Fantasia (voir la première partie), c’est également le cas pour le cinéma hongkongais et sud-coréen. Bien que la sélection ne fut pas aussi nantie que celle japonaise, plusieurs films prometteurs de ces régions nous furent tout de même offerts. Cinéma de genre oblige, la sélection chinoise provint majoritairement de Hong Kong, avec sa prédilection pour les films de kung fu (ou wushu), le wuxiapian (films de cape et d’épées) et les films de triades.
Tout d’abord, le film hongkongais qui s’est démarqué le plus selon nous est sans contredit Drug War de Johnny To, son premier opus tourné en Chine continentale. Le film est un polar réussi, avec un suspense très prenant et une réalisation efficace, entre autres dans les jeux visuels et sonores. L’interprétation est également hors-pair. Bref, Johnny To ne nous déçoit pas encore une fois, alors si vous aimez le genre, je vous encourage à aller voir le film au Cinéma du Parc, à l’affiche du 16 au 22 août 2013.
Autre film dans le même genre, mais dans un registre complétement différent, The Last Tycoon de Wong Jing est un divertissement à grand déploiement dans la plus pure tradition du cinéma de gangsters de Hong-Kong, mettant en vedette d’ailleurs les expérimentés Chow Yun-fat et Sammo Hung. L’intérêt du film se situe surtout dans son contexte historico-politique, avec en filigrane les luttes de pouvoir entre les gangsters, l’armée impériale, les rebelles, et l’arrivée de l’armée japonaise à Shanghai durant les années 1930. Par contre, le film se limite au mélodrame quelconque, souligné au crayon gras avec les habituels ralentis pour tenter de créer un pathos qui ne fonctionne plus guère, et une musique trop appuyée. C’est un film qui se veut clairement dans la lignée du Parrain/The Godfather, avec un thème musical qui s’apparente beaucoup trop à celui de Nino Rota par ailleurs.
Dans le genre kung-fu cette fois, Ip Man – The Final Fight d’Herman Yau est le dernier volet de la saga du fameux maître de Wing Chun, avec cette fois-ci Anthony Wong dans le rôle de Yip Man à la fin de sa vie. Puisque ce film s’est concentré davantage sur les relations entre les personnages que sur les scènes de combat (les limitations d’Anthony Wong en arts martiaux jouant pour beaucoup), il s’est avéré au final plutôt attachant, supérieur au premier volet (The Legend is Born – Ip Man) voire même à ceux avec Donnie Yen (Ip Man et Ip Man 2), entre autres grâce à une conclusion plus maîtrisée. Il est par contre tout à fait différent bien entendu de la version de Wong Kar-Wai, The Grandmaster, qui fut le film d’ouverture du Festival du film chinois de Montréal, et qui devrait sortir sur les écrans le 23 août.
Plus décevant, le dernier film de Ronny Yu, après sept ans d’absence, Saving General Yang, n’a pas réussi à convaincre. Si les scènes d’action sont enlevantes et le contexte historique intéressant (celui des Généraux de la famille Yang durant la dynastie des Song du Nord), le film pèche cependant par sa mise en scène lourde, fortement mélodramatique (encore!), appuyée par la musique saillante du compositeur de Ghost in the Shell, Kenji Kawai, qui a d’ailleurs participé à plusieurs films présentés à Fantasia cette année, tels que The Complex, 009 : Cyborg et Tales from the Dark, Part 1.
Parlant de ce dernier, Tales from the Dark Part 1 est une anthologie d’horreur comprenant trois courts-métrages réalisés par Simon Yam, Lee Chi-ngai et Fruit Chan, respectivement. Si les trois films sont plutôt inégaux, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’anthologies, aucun malheureusement ne se démarque vraiment en qualité. Alors que le premier, « Stolen Goods », scénarisé par Lilian Lee, tombe plutôt à plat, le second, « A Word in the Palm », flirte curieusement avec la comédie. Le plus attendu était donc celui de Fruit Chan, « Jing Zhe », qui s’est avéré être, comme on pouvait s’y attendre, le meilleur, mais néanmoins décevant. Il ne fut pas à la hauteur de « Dumplings », faisant aussi partie d’une anthologie d’horreur , Three… Extremes (avec Takashi Miike et Park Chan-wook), fort probablement la meilleure dans ce genre.
Alors que les films hongkongais sont demeurés dans le conventionnel, les œuvres taïwanaises nous ont offert des expériences beaucoup plus colorées et imaginatives. Tout d’abord, When a Wolf Falls in Love with a Sheep de Hou Chi-Jan, est une sympathique comédie romantique qui s’est pris comme une bouchée de fraicheur dans la programmation parfois lourde (en horreur, gore et actions rocambolesques) de Fantasia. Appuyé par un excellent jeu naturel des comédiens, le film nous a proposé une originale (surtout dans sa mise en scène) histoire d’amour d’une belle sensibilité. Son prix du meilleur réalisateur est en ce sens bien mérité.
Machi Action, de Jeff Chang, est une comédie parodique rendant hommage au tokusatsu (les séries télévisées et films d’effets spéciaux japonais). En cette époque de guerre de cotes d’écoute télévisuelles, où ce genre est paradoxalement pris entre la tradition (les formules et les clichés) et la pression de se renouveler (pour attirer de nouveaux publics et de nouvelles générations d’enfants), le film insiste sur l’importance de l’intégrité face à son public et des valeurs éducatives de la télévision pour enfants, qui devraient primer sur les intentions mercantiles. Mise en scène d’une manière énergique, le film est simplement drôle et divertissant, ne se prenant pas au sérieux, nous rappelant en ce sens le surprenant Karate-Robo Zaborgar présenté à Fantasia en 2011.
La déception taïwanaise est sans contredit The Rooftop, réalisé par la super vedette en son pays, Jay Chou. Comédie musicale de kung fu, le film s’est avéré être un « Grease taïwanais » plutôt malhabile. Drôle au début, le film se perd par la suite dans l’histoire à l’eau de rose qui traine en longueur. Au final, le film nous présente très peu de scènes de kung-fu, privilégiant la danse et la romance (plutôt convenue). Le dernier tiers du film est carrément raté avec un dénouement des plus ridicules.
Bien que peu représentée cette année, la Corée du Sud nous a quand même offert (encore) quelques films de qualité, comme ils le font d’ailleurs depuis plusieurs années. En ce sens, la Corée du Sud possède probablement la plus forte cinématographie asiatique des quinze dernières années. Et encore une fois cette année, en fait depuis les grands succès de Shiri et My Sassy Girl au tournant des années 2000, les thrillers politiques ont côtoyé les comédies romantiques.
Deux films en particulier ont attiré notre attention. Tout d’abord, Secretly Greatly est un de nos coups de cœur du Festival. Battant des records au box-office sud-coréen cet été, le film dose habilement la comédie, le suspense et le drame, d’une manière peu habituelle au cinéma. En effet, ces trois genres, plutôt que de se chevaucher, ont chacun leurs moments dans le film : hilarant au début, très captivant par la suite, et très touchant à la fin. Le film a tout pour plaire à tous finalement. Pas surprenant qu’il soit aussi populaire en Corée du Sud.
Finalement, dans la lignée purement comique, How to Use Guys with Secret Tips est une comédie romantique réussie, qui n’a pas volé son troisième prix du public. Vous pouvez lire notre critique ici.
Au final, la cuvée asiatique de Fantasia 2013 s’est confirmée dans l’ensemble supérieure aux éditions précédentes, avec plusieurs belles surprises et beaucoup de thématiques intéressantes. Ça s’annonce encourageant pour la prochaine année. On vous y attend!