Culture populaire japonaise sous la loupe académique: le Kadokawa Summer Media Mix Program 2014

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Du 14 au 26 Juillet, la maison d’édition Kadokawa Shoten, en collaboration avec l’Université de Tokyo, organise un programme d’initiation à la recherche académique sur la culture populaire japonaise, le tout organisé sous le thème du média mix cette année. Puisque cet événement est on ne peut plus approprié dans le cadre du prochain numéro de Kinephanos portant sur le jeu vidéo japonais et le média mix (sortie prévue pour l’automne 2014, vous pouvez revoir le CFP en attendant), et que nous avons la chance d’y avoir un regard de l’intérieur, nous allons vous proposer quelques billets pour vous faire découvrir l’événement.

Le média mix est un terme général faisant référence aux phénomènes variés d’interactions intermédiatiques, notamment entre l’animation, le manga et le jeu vidéo. Une vingtaine d’étudiants provenant de divers pays et de divers domaines participent au programme afin d’expérimenter d’autre avenues d’investigation concernant le média mix en compagnies de chercheurs réputés et pouvant profiter des ressources archivales de l’université de Tokyo et des maisons d’édition Kadokawa et Kodansha. J’ai la chance d’être un de ces étudiants.

Durant les 14 prochains jours, nous allons avoir l’opportunité d’examiner d’importants documents, qui sont généralement inaccessibles au public, et d’échanger avec des artistes et chercheurs japonais dans un cadre intellectuel stimulant. Déjà, il semble que de nouvelles perspectives d’études sur la culture populaire japonaise se forment alors que je suis personnellement exposé à des idées nouvelles concernant la manière de penser le média mix et les relations entre médias. Considérant l’importance et, malheureusement, les limites de la diffusion des discussions que nous allons avoir, il me semblait judicieux de partager certaines des idées qui seront discutées à Tokyo pour en faire bénéficier les chercheurs et étudiants curieux d’en connaître davantage à propos de la culture populaire japonaise. Pour les trois prochains billets que je signerai sur Kineblog, je tenterai donc de communiquer les différents discours et idées auxquels je serai exposé durant les prochains jours. Je commencerai, aujourd’hui, avec un court résumé des présentations d’introduction au programme par les professeurs Ian Condry et Hidetaka Ishida.

Le média mix en tant que plateforme de création

Inspiré par ses précédentes recherches sur l’industrie de l’animation, dont on peut lire les grandes lignes dans son ouvrage The Soul of Anime, Ian Condry, professeur au MIT, présente le média mix comme une plateforme de création dont l’âme (soul) se situe non pas dans son succès économique, mais au niveau de l’énergie des fans et leur désir d’être impliqué dans ses dynamiques. Considérant l’état de relative pauvreté des artisans de l’industrie de l’animation et l’absence de rémunération des fans dans l’industrie alternative qu’ils créent, Condry souligne le fait que le succès du média mix est fondé sur les valeurs d’implication sociale plutôt que monétaire. Citant le récent ouvrage de l’économiste français Thomas Piketty, Condry souligne le potentiel du média mix et de son énergie sociale de pouvoir trouver des alternatives aux problèmes engendrés par le capitalisme contemporain. Le pouvoir créatif du média mix se situe donc dans le potentiel ¨d’échapper¨ au capitalisme. Cette interprétation subversive et optimiste du média mix fut reçue positivement dans notre groupe, mais a aussi généré des questions d’éthique sur l’industrie culturelle contemporaine. Considérant l’importance économique de l’animation et les difficultés financières des artistes impliqués dans sa production, ne devrait-on pas aussi chercher où cet argent se dirige véritablement?

Le média mix en tant que plateforme critique

Dans un angle différent, le professeur Ishida, de l’Interfaculty Initiative in Information Studies de l’Université de Tokyo, propose de voir le média mix et son potentiel collaboratif à travers le prisme des humanités numériques (digital humanities) et la création de bases de données collaboratives (crowdsourcing). Après avoir présenté ce qu’il considère comme étant les trois ennemis de la recherche académique contemporaine (l’élitisme, l’industrie et le nationalisme), Ishida voit dans le média mix un important potentiel permettant de réconcilier pratique et critique, une question fondamentale dans les humanités numériques. C’est en harnachant le potentiel créatif et le désir de collaboration des fans, l’élément central du média mix aux yeux d’Ishida, que l’on pourrait stimuler une nouvelle forme de critique académique davantage axée sur le travail coopératif dans le contexte numérique. C’est dans ce contexte que trois projets utilisant le média mix comme base créative furent présentés: l’Amateur Critical Space, le Critical Plateau et l’Hyper Plateau. Ces projets ont respectivement comme objectifs de promouvoir la création amateur, la création d’encyclopédie numérique collective et la collecte d’histoire orale sur l’histoire de la télévision japonaise.

De plateforme de création à plateforme de nouvelle critique, le média mix semble fournir l’inspiration et les métaphores nécessaires à une sorte de réinvention des dynamiques de base de notre société. Une partie de moi reste sceptique, mais il est indéniable que ces projets vont fournir de nouvelles pistes de réflexion vers une interprétation plus personnelle des dynamiques du média mix.