Critique – Star Wars: The Force Awakens * mise à jour – projection 70mm au Centre des sciences de Montréal

tfa_poster_wide_header

*Note sur la projection pellicule 70mm 2D Imax du Centre des sciences:
Fiez-vous au technophile que je suis, l’expérience immersive, visuelle, sonore et musicale que propose l’univers de Star Wars demande des conditions de projection qui sont rarement satisfaisantes dans les complexes actuels. Les salles supposément Imax (surnommées aussi Liemax par les dénonciateurs de cette supercherie – à lire: un texte de 2009 de Roger Ebert encore très actuel)  sont nommées ainsi essentiellement à cause du type de projecteur utilisé et fourni par la compagnie Imax, mais sont loin de respecter les standards de visionnement imposés par ce format depuis les années 80, et cela, à la fois sur le plan sonore et écranique (oui, l’écran du Centre des Sciences fait réellement 7 étages!). Enfin! Le Centre des sciences de Montréal présente The Force Awakens comme il se doit d’être vu pour une expérience optimale, à partir d’une copie pellicule 70mm 2D! Notez également que puisque TFA fut tourné sur support argentique et non numérique, il nous apparaît logique de lui rendre justice en vivant l’expérience avec ce format. De plus, le système de son du Centre des Sciences est possiblement le mieux entretenu à Montréal et beaucoup plus efficace en termes d’immersion sonore que n’importe quel Atmos ou système Dolby 5.1 que vous retrouverez sur l’ile. La scène de poursuite avec le Faucon Millenium, qui est à mon avis beaucoup trop vertigineuse sur un écran standard, prend ici tout son sens – sensoriel! – particulièrement dû au fait que le format change de 2:35 à littéralement 4:3 pour s’étendre sur l’entièreté de l’écran carré de la salle… Immersion vous dites? Si vous voulez revivre le film dans des conditions de projection optimales avant sa sortie en Blu-Ray le 5 avril prochain, c’est au Centre des sciences de Montréal que ça se passe! Lisez ma critique entière publiée en décembre dernier ci-bas.

Présenté au Centre des sciences Montréal en anglais et en français.

Critique

Malgré plusieurs réserves sur le scénario qui m’ont laissé perplexe lors de ma première projection, le fan nostalgique en moi jubile. Définitivement, Abrams livre aux fans ce qu’ils attendaient depuis Return of the Jedi. Il a su capturer l’essence de la trilogie originale, tout en l’adaptant au goût esthétique du jour et au contexte culturel moderne. La saga des Skywalkers continue. L’année 2015 se terminera donc avec le tintamarre cuivré du fameux thème en ver d’oreille, pendant que des milliers d’enfants, petits, grands et… plus grands, recevront en cadeaux les jouets et autres objets dérivés de la saga. Il faut quand même l’avouer, sortir le film juste avant la pause des Fêtes est une judicieuse stratégie de marketing drôlement plus payante pour Disney que le traditionnel mois de mai. Or, la meilleure stratégie de marketing sans la demande du public ne vaut rien! Hormis les mêmes images diffusées en boucle et l’abondante couverture médiatique, J.J. Abrams et son équipe ont su préserver le plaisir des fans sans rien dévoiler. Star Wars retrouve son lustre, son statut d’univers populaire culte en tant que mythe moderne (celui d’une Occident toujours fragilisée par la crainte de son déclin), nous faisant presque oublier la prélogie commise par Lucas.

Rappelons toutefois que Disney avait mis en furie la communauté des fans en reléguant tout l’Univers Étendu, incluant les romans, les bandes dessinées, les jeux vidéo, dans une sous catégorie nommée légende. Brillant, d’une certaine manière. Cela permet maintenant à Lucasfilm et Disney de garder le contrôle sur ce qui est officiellement canon. Mais surtout cela leur permet de ne pas être limités par du matériel autorisé longtemps par Lucasfilm, sans toutefois renier son existence comme univers possible. Effectivement, rien n’empêche les futurs scénaristes d’aller y piger quelques inspirations (la prélogie pourrait pratiquement faire partie de la section légende. Racontant des événements possibles d’un lointain incertain, que l’on regarderait comme une toile dans un musée; telle une fresque classique de la Renaissance). Donc, 10 ans après les très discutables antépisodes, et plus de 30 ans après The Return of the Jedi, est-ce que The Force Awakens d’Abrams réussit le pari, d’après vous?

Screen_Shot_2015-04-16_at_1.38.59_PM.0


(SANS SPOILERS narratifs [!], à quelques détails mineurs près)

TFA raconte l’histoire d’une ferrailleuse, Rey (l’étonnante Daisy Ridley), qui survit en fouillant dans les vestiges de Star Destroyers et de AT-AT’s tombés lors de la bataille de Jakku, une planète qui ressemble étrangement à Tatooine. Rey aspire à plus, emprisonnée dans la routine qui pourrait la voir vieillir. Le regard qu’elle porte sur une dame âgée qui exécute les mêmes gestes qu’elle en dit long. Puis, elle fait la rencontre du mignon robot BB-8, doté d’une charmante personnalité, qui viendra changer le cours de son existence. Le robot contiendrait le fragment d’une carte qui permettrait de retrouver Luke Skywalker, disparu depuis plusieurs années. À cette fin, BB-8 doit être retourné à la Résistance menée par la Générale Léia Organa qui lutte contre la mystérieuse organisation First Order. Cette dernière est dirigée par le Général Hux et le sombre Kylo Ren, un adorateur de Darth Vader. Ça vous rappelle A New Hope? Vous avez raison. Les critiques ont vite fait de pointer l’analogie. Si TFA partage beaucoup de codes esthétiques et narratifs avec ceux de la trilogie originale, on était toutefois en droit de s’attendre à autre chose qu’un copié-collé de l’épisode IV! Par exemple, dès le début du film le personnage Poe Dameron s’agenouille pour mettre un plan dans le petit robot BB-8! Les exemples sont nombreux dans le film, mais Abrams et Kasdan le savent bien, et préfèrent clairement emprunter le chemin le plus sûr, surtout après les méprisés épisodes I, II et III. Ils ont préféré assurer leurs arrières, en donnant aux fans de SW exactement ce qu’ils voulaient : du familier, de vieux amis, une continuité directe avec la trilogie originale, des thèmes connus, des environnements connus – comme le Faucon Millenium, de vrais effets spéciaux, moins de numériques, etc. Et honnêtement, ça fait du bien! Si le but est de ramener les fans au bercail pour les épisodes suivants qui devraient, je l’espère, s’éloigner de la formule New Hope, la mission est réussie. Non pas que la structure du monomythe de Campbell soit désuète, car elle sert encore d’inspiration pour un grand nombre de scénaristes. À l’instar des héros de Campbell, Rey reçoit l’appel de l’aventure, le refuse, est guidée dans sa quête par le sage joué par Harrison Ford, elle visite la caverne mystique, accepte l’objet magique, etc. Les légendes arthuriennes semblent également être une inspiration pour les prochains volets, faisant de Rey la prochaine élue, l’héritière d’un pouvoir transmis de génération en génération symbolisé par le sabre laser retrouvé. Tout est là, mais voilà: « been there done that ». Maintenant que la table est efficacement « remise » par Abrams, allons ailleurs. Rian Johnson, le réalisateur et scénariste de l’épisode VIII, devrait nous étonner par son inventivité, lui qui a réalisé l’excellent Looper!

chewbacca-harrison-ford-the-force-awakens

Sur la forme, mes appréhensions exprimées dans mon dernier billet s’avèrent en partie fondées. Dans ce sens, je continue de regretter (un peu) le style de Lucas, son sens de la composition et du montage soigné. La caméra de J.J. est beaucoup plus nerveuse, accompagnée quelques fois de recadrages optiques, une technique étrangère jusqu’à maintenant dans l’univers de SW. Il y a une période d’adaptation pour le vieux fan que je suis. Le plan final est malheureusement symptomatique de cette caméra moderne qui ne tient pas en place. La course poursuite du Faucon par deux Tie Fighter sur Jakku est impressionnante, mais étourdissante. Au moins Abrams nous a épargné ses lense flares, gardant seulement ceux qui sont logiques d’un point de vue photographique. On saluera le fait que TFA fut tourné sur pellicule. On se demandera toutefois si l’opération ne servait pas  aussi une stratégie de marketing qui visait à s’éloigner de l’esprit numérique de la prélogie, mais Abrams est reconnu pour favoriser les tournages sur pellicule depuis longtemps. Or, Abrams n’est pas un visionnaire, mais un tâcheron à la solde des corporations, un artisan qui sait réssusciter les franchises qui battent de l’aile (Mission Impossible, Star Trek). Malheureusement, hormis ses lense flares Abrams n’a pas de style visuel qui lui est propre, se contentant de reproduire les tics cinématographiques de son maître à penser, Steven Spielberg. Avec le génie esthétique en moins, il peine aussi à mettre la musique de John Williams en valeur, étouffant souvent celle-ci sous les effets sonores. De toute manière, Williams n’offre rien de bien substantiel à la hauteur de la Marche impériale. Même Duel of the Fates dans Phantom Menace avait marqué l’imaginaire. Ici, on retiendra peut-être le thème de Rey, qui berce encore mon esprit, tout en douceur. Les volets qui caractérisent le traitement des transitions dans SW sont utilisés de manière plutôt subtile par Abrams. Comme si le réalisateur avait préféré s’en passer. Côté scénario, c’est assurément plus bavard que New Hope, mais probablement un mal nécessaire pour bien introduire les nouveaux venus dans l’univers SW. Les retrouvailles entre Léia, Han et Chewbacca, sont menées avec une belle tendresse adressée aux fans de la première heure. Néanmoins, certaines invraisemblances scénaristiques m’ont fait sourciller: depuis quand il y a des caméras de surveillance dans SW? Ça rime à quoi ce flashback dans lequel est absorbé Rey au contact du sabre laser de Luke (celui qu’il avait perdu dans Empire Strikes Back) ? Pourquoi est-ce qu’à chaque fois qu’un chasseur de prime louche se pointe dans une histoire de science-fiction, il doit avoir un accent écossais très prononcé et incompréhensible (comme dans Firefly et Mass Effect)? C’était quoi l’intention d’aller chercher les vedettes d’arts martiaux du film indonésien The Raid, et les sous-utiliser lors d’une scène dramatiquement inutile? Comment Rey sait-elle manier le sabre laser? (Je sais… Comment Luke savait-il aussi bien piloter un X-wing à la fin de New Hope? La force direz-vous) Pourquoi Kylo Ren n’utilise pas la force pour en finir avec ses opposants plus rapidement, lui qui est capable d’arrêter un rayon laser à mi-parcours? Les questions pourraient s’accumuler. Toutefois, il faut aussi se rappeler des incongruités scénaristiques de la trilogie originale, comme celle qui voit les robots C-3PO et R2-D2 tomber entre les mains de Luke, avouez que ça sert bien le scénario, ou l’auteur!

Star-Wars-7-Character-Guide-Kylo-Ren

Alors voilà, malgré toutes ces réserves, est-ce que je retournerai voir TFA? Oui. Combien de fois? Sûrement quelques fois. Pourquoi? La réponse est simple, et constitue la différence fondamentale qui distingue les nouveaux personnages de ceux de la prélogie tant décriée! C’est aussi la raison principale pour laquelle Abrams a été engagé, car il faut lui donner cela, il sait composer des personnages intéressants. Rey (qui vole la vedette à ses contreparties masculines sans hésiter), Finn, Poe, BB-8, ces nouveaux personnages sont attachants, sincères, spontanés, drôles, vrais, on y croit! Comme disent les Anglais: We care about the characters! Le retour de nos vieux routiers favoris joue pour beaucoup: Léia, Han, Chewbacca (ah! Chewie), Luke, C-3PO, R2-D2. Les clins d’oeil à la trilogie originale sont nombreux, je vous laisse les découvrir! Le premier épisode de cette nouvelle trilogie installe efficacement les enjeux dramatiques de nos personnages principaux. En effet, Rey et Kylo Ren n’ont pas fini de croiser le sabre!

Le troublé et caractériel Kylo Ren est étonnamment bien incarné par Adam Driver, avec juste assez de nuance pour rendre son conflit intérieur crédible. Par contre, on croit malheureusement beaucoup moins aux Chef Suprême Snoke en images de synthèse, au caricatural hitlérien Général Hux – surtout lors d’une scène qui fait visiblement référence au Troisième Reich et à l’esthétique empruntée à Leni Riefenstahl – et à la trop discrète Captain Phasma qui n’a aucune scène faire-valoir! Une histoire de ce type sans antagonistes à craindre pourrait être le maillon faible de la nouvelle trilogie. Kylo Ren n’est pas encore suffisamment énigmatique et manque cruellement du charisme de son idole, Darth Vader. Or, la chimie s’opère merveilleusement bien entre les personnages de Rey, Finn et Poe. Oscar Isaac est aussi génial qu’à l’habitude et Daisy Ridley dépeint une Rey fougueuse et aventureuse qui deviendra assurément l’idole d’une génération. Je dois admettre que les discussions dans les médias et dans les réseaux sociaux quant à l’inclusion d’un personnage féminin fort dans SW me font un peu sourire (bien que j’aie eu à répondre à quelques questions à ce propos pour le Voir.ca). D’abord, parce qu’il était à peu près temps! Luc Besson, James Cameron et Josh Whedon, entre autres, ont probablement créé les plus beaux personnages féminins forts de notre génération. Bien que cela ne se soit pas traduit dans les six derniers films de SW, les personnages féminins forts existent dans l’Univers Étendu depuis un bon moment! Si Rey semblait avoir été masculinisée dans les bandes-annonces, ce n’est pas le cas dans le film. Rey est un personnage féminin fort et assumé, qui sait tirer son épingle du jeu dans un monde d’hommes sans qu’elle soit masculinisée ni même érotisée (Si vous êtes intéressés par la question de la place et du rôle de la femme dans l’univers de SW, voici la retranscription de l’échange courriel avec la journaliste Céline Gobert du Voir.ca). Le personnage de Finn, joué par John Boyega, ajoute aussi une bonne dose d’humour et de spontanéité à un univers qui en a bien besoin. Interprétant un Stormtrooper déserteur qui se découvre un sens moral, quand on lui demande pourquoi il déserte, il répond simplement : « Because that was the right thing to do », en écho à la première phrase du film délivrée par l’acteur Max Von Sidow : « This will begin to make things right »… Clairement, cette réplique semble prendre la prélogie comme cible.

Plusieurs questions restent évidemment sans réponses. Mais il reste deux épisodes. L’épisode VIII réalisé par Johnson est prévu pour le 26 mai 2017. En attendant, alors que la vente des romans et des bandes dessinées canon risque de remplir les coffres de Disney, j’attends déjà impatiemment les marathons des épisodes IV à IX dans quelques années! Le péché du mercantilisme est vite pardonné, quand il s’agit de Star Wars.