Critique – Victor Frankenstein de Paul McGuigan

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Périodiquement, les studios de cinéma tentent de ressusciter les films de monstres « classiques » (Dracula, Frankenstein, le loup-garou, etc.). Le genre avait connu ses belles heures dans les années 30-40 avec la Universal, propulsant des acteurs comme Bela Lugosi et Boris Karloff au titre d’icônes du cinéma d’horreur, puis dans les années 50-60 avec la Hammer britannique, faisant de même avec Christopher Lee et Peter Cushing. Ont ainsi vu le jour quantité de films de série B, dont certains sont devenus des références. On pourrait d’ailleurs soutenir que les films de monstres classiques sont un peu les ancêtres de la culture geek actuelle. Premièrement, il s’agissait de films « populaires », dans tous les sens du terme: destinés à un vaste public, ils remplirent d’argent les caisses des studios tout en provoquant le dégoût chez la critique. Deuxièmement, ces films instauraient un univers à part, avec son bestiaire et ses figures récurrentes, lesquelles étaient parfois appelées à se croiser au fil des œuvres (ancêtre du phénomène des cross-over). Troisièmement, il faut noter aussi un embryon de transmédialité, les films étant généralement adaptés de romans ou de pièces de théâtre, avant de servir d’inspiration à des comic books ou à autre chose.

Le film Victor Frankenstein, de Paul McGuigan, participe donc de cette tendance à « revamper » le film de monstre, tendance qu’avait initiée Stephen Sommers avec The Mummy (1999), remake du film éponyme avec Boris Karloff. Disons-le d’entrée de jeu, l’expérience s’avère ici assez peu concluante. Les premières paroles du film (« You already know that story (…) Sometimes the monster is the man. ») semblent vouloir instaurer une certaine distanciation par rapport au mythe, mais la suite ne s’engage pas dans cette voie, préférant hésiter entre questionnements éthiques convenus (la science va-t-elle trop loin?) et touches d’humour mal maîtrisées. Une bonne partie des dilemmes moraux du roman original sont d’ailleurs totalement escamotés du fait que le monstre n’apparaît qu’à la toute fin (déception pour les fans) et se voit confiner au rôle de la machine à tuer sans âme, et non de l’être doué de raison et de sentiments avec lequel il faut maintenant composer. Dans le rôle-titre, James McAvoy cabotine avec allégresse tout en enlignant les punchlines qui tombent systématiquement à plat, tandis que Daniel Radcliffe campe un Igor à la fois incongru et irrémédiablement fade. La mise en scène du film, techniquement compétente, présente bien quelques idées intéressantes (comme de montrer les organes des corps vivants en surimpression, reflétant l’obsession du docteur Frankenstein pour ceux-ci), mais celles-ci demeurent sous-exploitées. Au final, Victor Frankenstein n’atteint pas la poésie irréelle qui pouvait se dégager des vieux classiques du cinéma d’horreur qu’il tente de mettre au goût du jour. Preuve (si cela était nécessaire) que les images de synthèse ne sont pas suffisantes pour faire rêver.

On pourrait toujours se dire que ce n’est qu’un film insignifiant de plus. Il est toutefois désolant de constater que le mythe de Frankenstein semble encore et toujours attendre sa version définitive. Contrairement à Dracula, l’autre grand canon du genre, qui au fil des ans s’est vu porté à l’écran par des cinéastes majeurs (Murnau, Herzog, Coppola), Frankenstein n’a pas eu cette chance: la version de Kenneth Branagh (1994), présentée comme la plus fidèle au roman original, a atrocement mal vieilli. Peut-être qu’un jour un cinéaste de renom remédiera-t-il à la situation? La porte est ouverte.