Fantasia 2015: Fatal Frame – critique

p06-schilling-fatal-frame-a-20140926La réalisatrice Mari Asato fut derrière Ju-On: Black Ghost (2009), The Ring of Curse (2011) et quelques films de la franchise The Chasing World (dont le dernier volet intitulé TAG est réalisé par nul autre que Sono Sion, présenté le 3 août à Fantasia). Avec Fatal Frame elle revient au récit atmosphérique inspiré par les thèmes de l’au-delà en adaptant la novellisation de la célèbre franchise de jeux vidéo éponyme écrite par Eiji Ôtsuka et intitulée Fatal Frame: A Curse Affecting Only Girls. La nouvelle parut en août 2014, seulement un mois avant la sortie du film en salle en septembre 2014. Ainsi, collé à la nouvelle de Ôtsuka, le film de Asato propose davantage une relecture thématique de la série vidéoludique plutôt qu’une adaptation narrative en règle avec les codes du « gameplay », qui avaient fait le succès de la franchise. Par exemple, on n’y retrouve aucun personnage se servir de la caméra obscura pour spécifiquement chasser et tuer les fantômes, mais plutôt une référence intégrée dans la narration par la présence d’un jeune garçon que l’on voit seulement de temps en temps prendre des photos avec l’appareil mythique. Pas non plus de scènes où la noirceur nous englobe d’une couche de frissons. Même si le film possède tous les éléments pour nous tenir en alerte, les amateurs de sensations fortes risquent d’être déçus. Or, avec Fatal Frame Asato nous offre probablement le meilleur essai du genre présenté à Fantasia ces dernières années (je pense aux décevants The Complex et Monsterz de Hideo Nakata, pourtant rendu célèbre avec Ringu).

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La réalisatrice évite les tropes maintenant prévisibles de la J-horror, en privilégiant les ambiances et les cadrages soignés afin de maintenir une tension soutenue. Fatal Frame joue moins sur les effets de sursauts et de frissons, si éculés dans le cinéma de genre, que sur le suspense. L’histoire se déroule dans un couvent de jeunes filles situé dans la campagne japonaise et aborde avec subtilité le thème de l’homosexualité. L’époque contemporaine et néo-gothique du film est par contre incertaine et presque anachronique. Après avoir eu une vision traumatisante lors de laquelle elle se voit en train de se noyer, Aya s’enferme dans sa chambre pendant une semaine. La disparition de Kasumi, amoureuse d’Aya, alimente les rumeurs à propos d’une malédiction au sujet d’une vieille photographie d’une jeune fille qui ressemble à Aya. Troublée d’avoir perdu sa meilleure amie, Michi décide d’enquêter pour élucider le mystère entourant la malédiction. Les habitués des jeux vidéo reconnaitront certaines images familières, comme le cordon rouge dont se servent les personnages pour se relier l’une à l’autre. Certains effets esthétiques jouant avec les cadrages et la profondeur de champ sont particulièrement bien réussis et pétrifiants. La référence au personnage d’Ophélie dans Hamlet avec, entre autres, la célèbre toile du Britannique John Everett Millais est récurrente tout au long du film, insufflant une certaine grâce métaphorique au récit étroitement lié à la symbolique de l’eau. Par contre, le scénario perd en clarté dans le dernier tiers. Certains personnages apparaissant sans importance depuis le début prennent soudainement le devant du pavé, sans que ni leurs motivations ni leurs intentions ne soient expliquées de manière convaincante. Toutefois, Fatal Frame est une expérience que je recommande fortement à ceux et celles qui voudraient sortir des sentiers battus de la J-horror. Avec certes ces quelques moments ici et là qui vous glacent le sang, accompagnés d’une trame musicale qui rappelle assurément le cinéma d’horreur des années 70 comme The Exorcist et Suspiria, vous pourriez être agréablement surpris et envouté par cette proposition cinématographique qui offre une bouffée de fraicheur au genre.

Présenté mardi le 28 juillet, 21h55, Théâtre Concordia Hall