Hier était présenté en grande pompe le film d’ouverture du Festival Fantasia, Miss Hokusai de Keiichi Hara. Le réalisateur était présent ainsi que la scénariste Miho Maruo. Hara nous a donné par le passé Summer Days with Coo (2007), une fable urbaine mettant en scène un kappa (une créature du folklore japonais), et Colorful (2010), touchant mais grave tout en étant traité avec retenu et légèreté, qui abordait de manière subtile le sujet du suicide et de l’intimidation chez les jeunes. Avec Miss Hokusai, le réalisateur nous transporte durant l’ère tranquille d’Edo, où les samurais étaient une race en voie de disparition et où l’art du Ukiyo-e florissait. Les Ukiyo-e sont ces fameuses estampes que tous ont déjà un jour ou l’autre vues à la télé, dans les musées ou à la bibliothèque. Le plus célèbre des artistes étant Hokusai avec sa série la plus connue d’estampes « 36 vues du mont Fuji ». Le film Miss Hokusai est adapté du manga Sarusuberi de l’artiste Hinako Sugiura, et suit principalement O-Ei, la fille d’Hokusai, qui travaillait avec son père. Le film n’est pas un biopic et prend plusieurs libertés quant à la vie réelle supposée de l’artiste. Entre autres parce que le film fait allusion au fait qu’O-Ei aurait été l’artisane derrière certaines oeuvres de son père, ce qui n’a pas été prouvé. Lors d’une discussion qui suivit le film, le réalisateur avoue lui-même avoir imaginé ce fait, puisque O-Ei n’a seulement qu’une dizaine d’estampes signées de son nom.
D’un point de vue formel le film est sans reproches et d’une beauté hypnotique. Le dessin de certains personnages rappelle les animations des années 80, comme Barefoot Gen (Hadashi no Gen 1983). Soufflant la vie dans certains ukiyo-e et transformant la vie courante en fresques picturales le temps de quelques secondes, on prend plaisir à marcher dans les quartiers de l’époque Edo, entre les courtisanes et les marchands, en traversant le pont Ryogoku. Hara réussit le pari, encore, d’aborder un sujet grave avec retenue. Les relations familiales sont parfois compliquées et Hara l’illustre bien ici en racontant l’histoire d’O-Ei. Une jeune artiste entêtée, à la pilosité des sourcils bien fournie, qui voudrait bien que son père aille visiter plus souvent sa plus jeune fille aveugle, Anao. Sans tomber dans le pathos, le drame il est bien là pour Hokusai, qui évite le plus possible de faire face à ce qu’il semble considérer comme une tare chez sa cadette. La métaphore de la jeune fille aveugle en lien avec Hokusai est évidente, au point qu’on a l’impression que Hara poussera l’exercice de style on faisant vivre les ondes sonores dans la tête d’Ana, sous la forme d’un ukiyo-e improvisé. Une impression vite étouffée. Alors voilà, la trame du film souffre de son matériel source, et nous laisse davantage sympathique plutôt qu’empathique en suivant les péripéties qui mêlent fantasie et burlesque sans approfondir le récit qui m’apparaissait central en regardant le film: la relation entre O-Ei et Anao. Sans rien vous dévoiler, le scénario navigue entre les vagues sans jamais oser nous impliquer dramatiquement dans cette relation. Attention, ne vous y méprenez pas, j’ai adoré Miss Hokusai, j’ai été diverti et l’amateur de culture japonaise en moi fut comblé! Je n’ai tout simplement pas été conquis par l’histoire, probablement encore troublé par Giovanni’s Island présenté l’an dernier.
Le film est présenté de nouveau le 25 juillet prochain à 12h