Fantasia 2015: The Case of Hana and Alice

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Des quatre films d’animation vus jusqu’à présent cette année (les autres étant Miss Hokusai, Crimson Whale et On the White Planet), celui-ci est mon petit coup de coeur personnel. C’est un film authentique qui a du coeur, parsemé d’un humour sincère et finement écrit, avec un personnage central fort des plus sympathique. The Case of Hana and Alice est le premier film d’animation du réalisateur chevronné Shunji Iwai, et aussi l’antépisode de son propre film Hana and Alice réalisé en prises de vue réelles en 2004. Dans son premier essai animé, Iwai s’intéresse aux circonstances qui ont vu naître l’amitié entre les deux protagonistes éponymes du film, qui prend ici la forme d’une enquête remplie de quiproquos aussi drôles et amusants les uns que les autres. L’adolescence est l’âge de l’innocence où on se sent invincible, c’est l’âge des récits qu’on s’invente, à l’abri illusoire des conséquences de nos actes et de nos paroles. Nouvellement transférée d’école, Alice fait face aux intimidateurs. Toutefois, elle ne s’en laisse pas imposer et prend rapidement sa place. Lors d’une scène franchement loufoque, Alice est exorcisée de manière théâtrale, en plein jour, par l’ensemble de la classe à la manière d’un jeu, et cela, pour avoir transgressé un espace « sacré » : celui du pupitre d’un ancien étudiant nommé Judas qui aurait disparu. Il semble également que sa mystérieuse voisine, Hana, traumatisée et recluse depuis une année, soit en lien avec une potentielle histoire de meurtre à son école. C’est alors qu’avec l’aide d’Hana, Alice se lance dans une enquête avec un enthousiasme contagieux afin de retrouver ce fameux Judas. Difficile de ne pas embarquer dans leur quête, témoignant d’une complicité naissante entre elles. Le scénario semble parfois s’égarer. Alice finit par se lier d’amitié, l’instant d’un après-midi, avec un vieil homme affable. Or, bien que l’histoire ne bénéficie pas directement de cette relation fugace, elle met parfaitement bien en exergue le propos même du film, celui des instants précieux vécus durant notre jeunesse, et surtout de leur caractère éphémère.

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Le style visuel fait beaucoup penser aux premiers films de Makoto Shinkai comme 5 Centimers per Second (2007), et même à son plus récent Garden of Words (2013) avec ses teintes de rosé et de magenta pour illustrer la luminosité du soleil. Les arrière-plans sont tous superbement rendus, telles des toiles créées à la peinture à l’eau. Le sentiment d’authenticité qui se dégage de nos personnages est dû, en grande partie, à la technique de rotoscopie utilisée qui consiste à dessiner par dessus de réels comédiens. Les moindres subtilités dans le jeu des comédiens, les mouvements de corps et de tête, se trouvent ainsi automatiquement reproduites à l’écran (comme par la capture de mouvements pour les films en images de synthèse). L’humour de situation de certaines scènes, qui s’appuie beaucoup sur les comportements, profite grandement de cette technique. L’utilisation de focales variées lors du tournage réel des comédiens expliquerait aussi le réalisme photographique de quelques plans, comme les grandes focales qui tendent à déformer les visages, un effet magnifiquement traduit en animation. L’usage de ralentis est également présent à des moments non habituels dans le cinéma d’animation, lors desquels on distingue clairement une source visuelle en prise de vue réelle. Autre détail à noter, les angles de certains plans qui cadrent littéralement Alice à l’horizontal, créant de curieux raccords champ contre-champ en 90˚ révélant un point de vue singulier du réalisateur sur ses sujets.

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Au visionnement, le temps file comme l’éclair. L’histoire est amusante, drôle et touchante à la fois, tout en nous faisant voyager dans le Japon contemporain. La musique composée par le réalisateur lui-même berce chaque moment avec subtilité et parcimonie. J’ai été si conquis et charmé par ce récit sur l’adolescence, qui m’a rendu un brin nostalgique, que j’en suis resté sur un petit nuage le temps de quelques minutes après le générique. Sera-t-il le récipiendaire du prix Satoshi Kon? Je le souhaite, mais il y a aussi Miss Hokusai et Khalil Gibran’s The Prophet dans la course.