Critique – Knock Knock d’Eli Roth

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Eli Roth est un cinéaste qui aura connu le succès assez tôt dans sa carrière, grâce à ses deux premiers long-métrages Cabin Fever (2002) et Hostel (2006). Aussi est-il surprenant et dommage de constater la distribution bâclée dont furent l’objet ses deux derniers opus. D’abord The Green Inferno, hommage haletant et ambigu aux films de cannibales des années 80, qui aura attendu plus d’un an entre son avant-première montréalaise à Fantasia et sa sortie effective en salles, puis Knock Knock, film plus intimiste qui sortira en salles en catimini avant d’être maintenant disponible en DVD. Dommage, puisque le cinéaste y explore de nouvelles avenues.

Écrivons-le d’entrée de jeu, le scénario de Knock Knock est d’une complète linéarité: Evan (joué par Keanu Reeves), architecte marié et père de deux enfants, ouvre un soir la porte de sa résidence cossue à deux jeunes femmes (jouées par Lorenza Izzo et Anas de Armas) qui disent avoir eu une panne d’auto. Sa petite famille s’est absentée pour le week-end, les deux jolies femmes s’incrustent et le draguent de plus en plus ouvertement, et ce qui doit arriver arrive: les trois font l’amour. Sauf qu’au matin, les deux visiteuses refusent de partir et commencent à se faire menaçantes. C’est là le point de départ de la descente aux enfers d’Evan. Et c’est bien de descente dont il convient de parler, puisque Knock Knock est un film où les renversements, les retournements de situation sont fort rares. C’est ailleurs que dans le scénario qu’il faut en chercher l’intérêt: Eli Roth met en scène un huis-clos déjanté qui devient rapidement un terrain de jeu pour ses deux comédiennes principales, et rarement aura-t-on vu deux actrices de film d’horreur s’en donné autant à cœur-joie (les rôles féminins du genre étant d’ordinaire plutôt stéréotypés). Tantôt vamps langoureuses, tantôt démones enragées, tantôt fillettes espiègles et ricaneuses, Lorenza Izzo et Anas de Armas sont dans le film comme sur une scène de théâtre, occupant tout l’espace pour elles et imposant partout leur loi, livrant une performance étourdissante. Quant à Keanu Reeves, acteur à qui on a souvent reproché sa fadeur, il se montre ici plus impliqué que jamais, alors que son personnage subit mille tourments de la part des nymphes déchaînées qui ont envahi son chez-lui.

Ce dernier film en date d’Eli Roth, avec son esthétique léchée qui évite soigneusement les débordements gores auxquels sont cinéma nous avait précédemment habitués, s’inscrit en revanche de manière parfaitement cohérente dans sa filmographie, où c’est de plus en plus une volonté iconoclaste qui s’affiche. Après Hostel et ses touristes américains qui, pensant se vautrer dans la luxure en Europe de l’est, tombent sur une entreprise secrète qui fournit des victimes à des riches adeptes de tortures et de meurtres; après The Green Inferno et ses activistes naïfs et immatures qui, en cherchant à sauver une antique tribu amazonienne victime de la déforestation, finissent un à un dans l’estomac de cette dernière, voici maintenant qu’Eli Roth braque sa caméra sur les murs chargées de photos de famille et d’œuvres d’art moderne de la résidence d’Evan, et ceci, dans l’unique but de nous les montrer être réduits en miettes et couverts de dessins obscènes par deux cruelles enjôleuses. Cinéma méchant, nihiliste, mais néanmoins hypnotisant.  

https://www.youtube.com/watch?v=ti6S3NZ5mKI