Ayant contribué comme scénariste à définir le film d’action policier avec la série Lethal Weapon, Shane Black déconstruit ici très discrètement cet archétype du macho aux énormes fusils qui décime vague après vague d’ennemis anonymes. Ici, nos héros sont plutôt déstabilisés à la vue des cadavres, et lorsque confrontés à un « véritable tueur », ils s’enfuient terrifiés. Jackson Healy (Crowe) a une modeste carrière de casseur de jambes. Il tabasse des sales types qui s’approchent trop près des jeunes filles/mineures. De son côté, Holland March (Gosling) escroque des personnes âgées pour des enquêtes qu’il n’a jamais l’intention de résoudre. Leurs occupations respectives les amèneront à devoir faire équipe sur une enquête complexe qui les dépasse et qui débute par la disparition d’Amelia (Margaret Qualley) et la mort d’une vedette de la porno.
Ajoutée au mélange est Holly March (Angourie Rice), la fille précoce de Holland, âgée de 13 ans, qui s’impose dans l’enquête pour devenir rapidement vitale aux détectives. Le rôle de centre moral qu’elle joue fait que les personnages cherchent autant à résoudre l’intrigue qu’à gagner son approbation. Au final, c’est elle, par son innocence, qui détient le sceau métaphorique « Bon Gars », en faisant office de conscience morale du récit et des protagonistes. Ainsi, dans cette version des années 70 du cynique Shane Black, le monde est peu moral et surtout peuplé de racaille. Dans ce contexte, l’auteur cherche réellement à construire des personnages qui peuvent en être à la hauteur, en ne maltraitant pas de jeunes filles et en n’étant pas des tueurs (grosse commande dans ce monde).
Avec deux vedettes au top de leur jeu comique, nous avons ici l’une des comédies les mieux maîtrisées de l’année, qui mélange autant répartie réfléchie avec dialogues stylisés que gags visuels bourrins, chacun aussi hilarant l’un que l’autre. Les situations ridicules sont poussées à un tel point, que les protagonistes n’ont pas d’autre choix que de continuer de l’avant, créant une tension comique entre l’absurde et la gravité des situations.
Le scénario manie suffisamment bien les codes du film noir (et néo-noir), utilisés avec maîtrise et intelligence, que l’on se sent entre bonnes mains, naviguant à travers une intrigue qui, au final, à très peu d’importance. Ce genre repose énormément sur un contrôle de l’ambiance, souvent plus lourde et sérieuse. Black adopte cette approche, sauf que son ambiance de prédilection est la comédie, ainsi, il lui donne toute la place dont elle a besoin pour prospérer au premier plan de son récit.
Autour de cette comédie est ficelée une intrigue et, même si je suis convaincu qu’elle fut construite avec attention, Shane Black a compris qu’elle n’est pas la véritable force qui propulse ce type de récit. Ici, la comédie prime sur tout le reste. Le contexte de l’époque ancre le récit de façon créative (le monde du porno, le désillusionnement des années 70s suite à la révolution sociale des 60s, la pollution de l’ère moderne, etc), amenant tout un côté ludique aux thèmes plus sombres.
Dans la grande tradition de Shane Black, The Nice Guys offre un cynisme accessible au grand public, avec le cœur à la bonne place et mettant en scène un duo d’hommes brisés qui se complète l’un l’autre. Du calibre de Kiss Kiss Bang Bang, il offre une comédie solide du début à la fin qui risque de gagner un statut culte plus tôt que tard.
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