Fantasia 2016 – Terraformars et As the Gods Will, de Takeshi Miike

L’enfant terrible du cinéma japonais est une vraie rock star au Festival Fantasia, qui a, depuis Fudoh: The New Generation (1996), projeté près d’une trentaine de ses films en vingt années d’existence. Il ne serait pas trop exagéré de dire que sans Miike, ce festival n’aurait pas eu la même saveur. Il s’est vu donc remettre un prix de carrière honorifique, saluant sa vision sans compromis du cinéma, devant une salle comble remplie de fans inconditionnels du cinéaste. Ses deux films projetés cette année, Terraformars et As the Gods Will, étaient présentés à guichets fermés. Ainsi, avec le contexte d’une salle pleine à craquer et la présence du réalisateur dans l’auditoire pour les deux films, vous avez une petite idée de l’ambiance qui régnait lors des projections. Miike, le toujours versatile, a touché aux films de yakuza (Dead or Alive), aux films pour enfants (Ninja Kids), aux films historiques (13 Assassins), mais Miike excelle le plus là où les frontières du genre tombent, transgressées au rythme des scènes dans un même film, comme dans Audition, For Love’s Sake, et As the Gods Will, qui se compare dans une certaine mesure, au niveau du ton, avec le TAG de Sono Sion présenté l’an dernier.

Bien qu’ils s’agissent de deux adaptations de manga, la vision de Miike est toujours singulière, ne se gênant pas pour modifier le matériel source afin de le rendre intéressant cinématographiquement. Dans Terraformars par exemple, Miike avait envie d’envoyer deux yakuzas sur Mars. Bien que le manga en était dépourvu, rien n’allait empêcher Miike de procéder! Quant à As the Gods Will, lors du Q&A Miike exprime avoir respecté le matériel source jusqu’au troisième jeu mortel avec les poupées kokeshi. À partir de là, les jeux sont de pures inventions au service du film.

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Hormis les deux yakuzas dans Terraformars, le film respecte pratiquement planche par planche le manga. Miike y insuffle le dynamisme au montage qui caractérise son style. L’atmosphère de Mars est transformée de manière à pouvoir y envoyer des humains qui pourront y vivre. Mais une équipe composée de délinquants est envoyée d’abord afin de faire le ménage et tuer les cafards qui s’y trouvent. Or, rien n’allait les préparer à ce qu’ils allaient affronter, pas même une chirurgie spéciale leur permettant d’emprunter les pouvoirs d’un insecte! En effet, les cafards ont évolué. Ils sont plus gros, musclés et rapides! Oui. Le décor urbain sur Terre est clairement influencé par Blade Runner. Le véhicule volant de Ko Honda rappelle sans équivoques le véhicule dans lequel prend place Harrison Ford. À tel point qu’on se demande s’il ne s’agit pas du film de Ridley Scott. Malgré le rythme effréné des scènes, dont une ellipse qui arrive sans crier gare au début entre la Terre et l’arrivée sur Mars, le film souffre de son matériel source, qui se présente par niveau comme dans un jeu vidéo. La relation entre les personnages est peu développée, nous rendant indifférents à leur sort, souvent sordide! Les scènes explicatives sont nombreuses et la présentation des pouvoirs insectoïdes par un narrateur anonyme qui arrive de nulle part est inspiré de l’anime. L’antagoniste Ko Honda est toutefois plutôt marrant, comme un side-kick de lui-même(!), adapté pour le film en fashionista imbu de lui-même. Terraformars n’est pas le meilleur de Miike, mais les amateurs du manga et de l’anime devraient y trouver leur compte.

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Quant à As the Gods Will, c’est une autre ligue en termes de délire visuel. Disons le tout de suite, As the God’s Will de Takeshi Miike est complètement fou et déjanté. Certes, l’histoire n’a queue ni tête et la moitié du scénario, si ce n’est pas plus, n’est jamais expliquée! Pourquoi ces jeunes sont-ils choisis spécifiquement pour le jeu mortel? Quelle est l’origine de ces gros cubes qui flottent au-dessus des villes? Où sont les caméras qui filment les jeunes? Est-ce que les poupées tueuses tirées du folklore japonais et mondial sont des extra-terrestres (question qu’on se pose à cause des cubes flottant au-dessus des villes) ou simplement une manifestation de la colère de Dieu? Dans tous les cas, cette colère n’a jamais été aussi viscéralement ludique. L’expression « craindre la colère de Dieu » prend ici tout son sens! Shun est un élève qui s’ennuie à mourir (sic). Il se rend à l’école le matin, comme à l’habitude, mais une série de « death game » s’abat littéralement sur son école, où il voit presque tous ses camarades de classe se faire exploser la tête. Encore une fois, la structure du film est telle qu’on s’attend naturellement à ce que tout cela dégénère d’un jeu à l’autre, ce qui atténue l’effet de surprise. Toutefois, on ne s’ennuie jamais, ce qui justement accablait notre protagoniste au début du film! Dans ce sens, As the Gods Will est un bel antidote contre l’ennui. À l’instar de Terraformars, les personnages doivent successivement passer à travers des épreuves afin d’être libérés, ce qui pourrait, à la longue, lasser certaines personnes durant le visionnement. Il faut donc embarquer les yeux fermés et faire comme Miike le suggère: « It is not important to think, but to feel », une philosophie qui caractérise de manière générale l’art japonais. Seuls quelques élus, les plus forts ou les plus chanceux, survivront. Si le film Battle Royale (2000) de Fukasaku vous vient à l’esprit, vous avez raison, et c’est par ailleurs une influence avouée par Miike lui-même lors du Q&A.

Sans être les meilleurs du réalisateur, un moins bon Miike est toujours plus intéressant que bien d’autres films de cinéastes moins talentueux. On espère néanmoins d’autres essais plus originaux dans les années à venir. À voir pour les fans.