Fantasia 2016 – Yoga Hosers, de Kevin Smith

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Keven Smith est devenu célèbre chez les amateurs de cinéma comique américain grâce à son premier film Clerks (1994), qui inaugurait une série où il incarnait le personnage de Silent Bob, junkie quasi-muet évoluant en binôme avec l’arrogant Jay (joué par Jason Mewes). L’ironie mérite d’être soulignée, puisqu’en réalité Kevin Smith est l’un des plus grands verbomoteurs qui soient. D’ailleurs, la populaire série de conférences qu’il a prononcées dans les collèges américains (intitulée An Evening with Kevin Smith et trouvable sur Youtube) l’a largement prouvé. C’est ce que les spectateurs de Fantasia ont pu découvrir hier lors de la projection de Yoga Hosers, son plus récent film. Smith était là pour le présenter, et a gratifié la salle d’environ une heure de monologue où s’enchaînaient les anecdotes sur sa vie et sur la naissance du projet, avec une aisance tellement intarissable qu’on en venait à se demander si ce n’était pas lui l’attraction principale de la soirée, et non le film. La projection fut également suivi d’un échange de questions-réponses marqué par l’humour et l’émotion, Smith y livrant un vibrant plaidoyer en faveur de la volonté et de la détermination, qu’il estime davantage que le talent (chose éphémère dont il déclare être entièrement dépourvu), et incitant les spectateurs à s’exprimer, par le cinéma ou autrement, et à devenir ainsi eux-mêmes des créateurs.

Mais qu’en est-il du film lui-même? Yoga Hosers se passe à Winnipeg, mais l’univers dépeint ici n’est ni une représentation réaliste du Canada, ni même comme l’affirme Smith une vision « cartoonesque » du Canada, mais bien une vision kevinsmithienne du Canada, avec des personnages s’exprimant avec des accents impossibles (notamment Johnny Depp, sensé incarner un enquêteur québécois) et toujours prêts à se battre à coups de bâtons de hockey. L’intrigue met en scène deux adolescentes, prénommées toutes les deux Colleen, adeptes de yoga et travaillant dans un marché spécialisé en vente de sirop d’érable (oui, oui). Colleen et Colleen devront faire face à une invasion de bratzis, c’est-à-dire de petits hommes-saucisses nazis animés d’intentions meurtrières (à ce stade-ci, ne posez pas de questions). Le tout accompagné d’unifoliés, de castors, de caméos divers et d’adolescents satanistes, dans un design de vieux jeu vidéo rappelant Scott Pilgrim. Il serait tentant d’y voir une simple accumulation de n’importe quoi (ce que personne ne va nier, encore moins les auteurs du film), mais Yoga Hosers est constamment sauvé de l’effondrement grâce son rythme effréné, grâce au talent de dialoguiste de Smith et grâce à l’extraordinaire complicité des deux actrices principales, Lily-Rose Depp et Harley Quinn Smith (respectivement filles de Johnny Depp et de Kevin Smith, et amies d’enfance, on l’aura compris).

Mélange constant de rires et d’ahurissement, Yoga Hosers fait donc partie de ces œuvres qui commandent impérativement de mettre son cerveau à off. Une assez singulière déclaration d’amour envers le yoga et la « culture canadienne », venant d’un homme qui n’a pas compris grand-chose ni à l’un, ni à l’autre, mais qui s’est néanmoins fixé un but: celui de divertir. On peut quand même dire mission accomplie.