400 000 soldats anglais bloqués sur la grève, attendant qu’on les ramène chez eux. Tout autour, l’avancée implacable de la Wehrmacht qui fond sur eux par terre et par ciel. Entre les deux, l’armée française qui tente désespérément de ralentir la progression allemande dans une guerre mondiale qui n’en est qu’à son premier acte, mais qui déjà semble perdue. C’est le décor planté par Dunkirk, le dernier-né du cinéaste britannique Christopher Nolan.
La Seconde Guerre mondiale a déjà inspiré un très grand nombre de films (ce qui n’a rien d’étonnant, étant donné son statut de conflit le plus meurtrier de tous les temps). Celui-ci se distingue de par son caractère particulièrement « brut », sans fioritures: personnages sommairement brossés, voire sans caractéristiques notables, contexte historique réduit à sa plus simple expression. Dunkirk n’est pas un documentaire sur les évènements dont il s’inspire, ni une étude de caractères psycho-sociales, ni une allégorie politique: c’est un film d’action à l’état pure, une attraction entièrement décomplexée. Nolan nous plonge la tête dans les eaux glacées de la Manche, jonchées de cadavres et de fuites d’essence, et nous l’y maintient fermement durant une heure quarante-cinq. Le seul but des nombreux protagonistes est la survie, la sienne propre ou celles des soldats à rapatrier. Les considérations guerrières ont disparu, d’ailleurs l’ennemi n’existe pas, n’apparaît pas, il n’est qu’une force maléfique située en-dehors du cadre, un hors-champ agressif et sournois qui vient périodiquement semer la mort et la désolation. Les seuls « combats » à proprement parler sont aériens, et Nolan les filme de manière à ce qu’on peine à discerner clairement ce qui s’y passe. Ce que le montage perd en précision, il le gagne néanmoins en dynamisme et ressenti. L’important, pour le spectateur comme pour le personnage, ce n’est pas de comprendre ce qui se produit, mais de trouver une poche d’air, de se plaquer au sol à temps, d’agripper une main tendue, de se faufiler dans un racoin à l’abri des balles qui fusent ou de l’eau qui monte.
Deux choses méritent également d’être soulignées dans Dunkirk. Tout d’abord, l’excellent travail de la bande sonore, avec une musique signée Hans Zimmer, lequel travail est à l’image du film: peu de subtilités ou de nuances, mais beaucoup d’efficacité, créant un intense sentiment d’immersion. Ensuite, le retour (agréable à constater) de Christopher Nolan à une forme de narration non-linéaire, presque vingt ans après son grand classique Memento. Dunkirk se plait à faire coexister différentes temporalités, sans que cela alourdisse l’intrigue d’aucune façon. C’est vraiment un artisan au sommet de son art qui s’exprime ici, avec un film qui n’a certes pas une très grande portée philosophique, mais qui offre un tour de manège particulièrement prenant.