C’est désormais de notoriété publique : les producteurs d’Hollywood sont plus frileux que jamais. Et si on tient compte du fait que les fréquentions des salles ne sont plus ce qu’elles étaient, mais que les coûts de production des blockbusters semblent pris dans une inflation sans fin, on se dit qu’il y a de quoi être frileux. Désormais, les bonzes des grands studios ne délient les cordons de leur bourse que pour des valeurs éprouvées, qui leur assureront un retour sur investissement dans les premiers week-ends d’exploitation. En-dehors des vieilles recettes, point de salut. Il est également de notoriété publique que Johnny Depp, un des acteurs américains les plus doués de sa génération, est désormais complètement fauché suite à un coûteux divorce. Apparemment, la combinaison de ceci et de cela semble justifier la sortie d’un cinquième Pirates of the Caribbean, et ce, en dépit d’un quatrième volet calamiteux (On Stranger Tides, en 2011) qui auraient dû décourager tout individu doué d’un minimum de respect pour l’art de poursuivre la saga.
Un certain nombre d’années ont passé : Will Turner est toujours prisonnier du Hollandais volant, et son fils Henry décide de le tirer de là. Pour ce faire, il veut obtenir l’aide de Jack Sparrow. Au même moment, le Capitaine Salazar, chef d’une horde de spectres tueurs de pirates, recherche lui-aussi Sparrow dans le but de se venger de celui qui l’a condamné à devenir un mort-vivant. Sparrow et Henry obtiendront l’aide de Caryna Smith, une astrologue, qui les aidera à retrouver le Trident, un artefact magique qui pourrait permettre de stopper Salazar et son équipage.
Quand Curse of the Black Pearl, le tout premier volet de la saga, avait débarqué sur les écrans en 2003, le succès avait été aussi éclatant qu’inattendu. Le producteur Jerry Bruckeimer avait dû lutter contre vents et marées pour faire accepter l’idée d’un film de pirates à grands déploiements, mais le public fut conquis par le mélange impeccable d’humour et d’action et par la qualité des effets spéciaux, de la direction artistique et de la bande sonore. Toutes des qualités qui sont encore bel et bien présentes dans Dead Men Tell No Tales quatorze ans plus tard, mais sans le parfum de nouveauté qui venait avec. Le film fonctionne comme une mécanique parfaitement huilée, offrant deux heures de divertissement honnête moyennant pièces sonnantes et trébuchantes. Johnny Depp revêt de nouveau les guêtres pouilleuses de Jack Sparrow, et se démène sans grande conviction mais avec professionnalisme. Son vis-à-vis Brenton Thwaites (Henry Turner) est d’une fadeur inouïe, mais les beaux yeux de Kaya Scodelario (Caryna Smith) ramènent un peu de couleur dans cette œuvre de commande. Dans le rôle du méchant Salazar, seul Javier Bardem semble réellement habité par son rôle, livrant ici une des prestations inquiétantes dont lui seul a le secret.
Pirates of the Caribbean : Dead Men Tell No Tales est donc à prendre pour ce qu’il est, soit une œuvre qui ne transcende rien mais qui n’ennuie pas, et qui a le mérite d’être supérieure au précédent volet de la saga. Les caisses d’Hollywood peuvent donc continuer de recevoir de l’argent frais. Pour combien de temps encore, cela reste à voir.