On contemple la carrière de Night Shyamalan de la même façon qu’on contemple un champ de ruines : çà et là, il y a bien certaines fondations qui tiennent toujours, et qui témoignent d’un édifice qui fut jadis solide, mais néanmoins on ressent tout de même un indéniable sentiment de désolation. Son troisième film, The Sixth Sense, sorti en 1999, avait fait de lui une star, et s’était aussitôt imposé comme un des meilleurs films d’épouvante de son temps. Shyamalan y apparaissait comme un cinéaste sensible et novateur, qui promettait beaucoup. Hélas, la suite des choses révéla une filmographie qui ne cessait de péricliter, passant du maladroit (The Village) à l’ennuyeux (Lady in the Water) puis au risible (The Happening).
C’est donc dire que la sortie récente de Split n’était pas attendue comme l’évènement cinématographique de l’année. Dans ce curieux thriller mâtiné de drame psychologique, trois adolescentes sont kidnappées par un schizophrène. Durant leur captivité, elles seront mises en contact avec plusieurs des multiples personnalités de l’individu, et tenteront d’en manipuler certaines pour parvenir à s’échapper.
Sans pouvoir parler d’un retour triomphal, il faut admettre que Split est assez loin de certaines catastrophes passées de son réalisateur. Certes, le film manque un peu de rythme, et se perd parfois en symboliques plus ou moins hermétiques (et inintéressantes). On ressent assez peu d’affection pour les personnages, qui ne sont brossés qu’à gros traits, et le basculement final vers ce qui ressemble beaucoup à du fantastique apparaît comme une faute de goût. Mais Split est sauvé du désastre par la performance extrêmement convaincue et habitée de James McAvoy, qui joue au caméléon avec beaucoup de naturel, et par la caméra de Shyamalan, qui parvient à ménager quelques réels moments de tension.
En conclusion, on peut reprocher bien des choses à Shyamalan, mais certainement pas de faire du surplace : au contraire, son cinéma cherche toujours à explorer des nouveaux thèmes et des situations inédites, et à sortir des sentiers battus, quitte à se perdre en forêt et à se casser la figure contre un arbre. On peut penser ce qu’on veut du résultat, mais on doit louer l’intention.