Mark Renton avait choisi la vie. Il avait choisi le job, la carrière, la famille, et tout ce qui vient avec. Sauf que la vie, elle, ne semblait pas l’avoir choisi. Vingt ans après avoir arnaqué ses meilleurs amis en prenant la fuite avec l’argent d’un deal d’héroïne, il est de retour dans son Édimbourg natal. Peut-être pas tant pour réparer les pots cassés que parce qu’il ne trouve strictement rien de mieux à faire, lui qui vient de subir une grosse opération et qui se trouve en instance de divorce. Il retrouve ses anciens camarades Spud et Sick Boy, tandis que Begbie s’évade de prison avec l’objectif de se venger de Mark. C’est ainsi que démarre T2, suite du film-culte Trainspotting (1996).
Dans le film original, Danny Boyle braquait sa caméra sur un groupe de jeunes marginaux drogués, dont l’un finissait ultimement par réintégrer le moule de la société bourgeoise qu’il abhorrait en trahissant le reste du clan. Ici, cette réintégration s’avère illusoire, ratée. Qu’est-ce qui a bien pu se passer? Il s’est passé la déconstruction, il s’est passé la post-Histoire, il s’est passé la perte des repères, tous des mouvements qui étaient déjà bien enclenchés dans les années 90, mais sans être encore aussi perceptibles qu’aujourd’hui. Dans de telles circonstances, comment la trahison de Renton aurait-elle pu donner quelque chose? Comment réintégrer le moule, quand ce dernier a déjà été broyé en morceaux? Ne reste donc plus que le retour aux racines, même si ce dernier comporte son lot de dangerosités, lesquelles sont symbolisées par le psychopathe Begbie. Film cynique mais lucide, T2 recycle sans aucune gêne et même avec entrain l’esthétisme de l’œuvre original : sont présents les arrêts sur image, les angles penchés, les éclairages psychédéliques, les surimpressions, les chansons de pop sirupeuse qui faisaient tout le charme d’une certaine vague de films de bums déjantés dont Danny Boyle, Steven Soderbergh, Darren Aronofsky et Guy Ritchie furent les dignes représentants. Le scénario lui aussi fait constamment référence au film original, tant par les décors que par les situations. On attendait de T2 qu’il soit un discours sur notre époque; sauf qu’il ne semble pas y avoir grand-chose à dire sur notre époque. Le tout est d’ailleurs plus ou moins expédié dans une scène de restaurant où Ewan McGregor livre un monologue senti sur l’insignifiance du monde contemporain. Mais il ne faut pas y voir une marque de paresse intellectuelle de la part du film : c’est juste que si le monde a changé, les quatre protagonistes de Trainspotting, eux, sont restés exactement les mêmes. Le personnage de Begbie l’affirme d’ailleurs dans un des dialogues du film, rare moment de clairvoyance et d’honnêteté dans son cas.
Pour désespéré que soit son propos, T2 peut néanmoins compter sur d’attachantes performances d’acteurs pour éviter de devenir déprimant. Ewen Bremner est un Spud profondément touchant et drôle, qui se découvre une âme de poète. Robert Carlyle reprend là où il l’avait laissé le rôle de Begbie, parvenant de nouveau à le rendre à la fois inquiétant, grotesque et fascinant. Quant à Ewan McGregor, il amène son charisme habituel au rôle de Renton.
La nature de T2 fait en sorte qu’on peut douter du fait qu’il deviendra un film-culte du même acabit que le premier de la série. Loin de chercher à peindre les ambiguïtés d’une époque, il se contente d’être ce qu’il est, soit un film sur quatre être vieillissants et impuissants, en dissimulant sa noirceur derrière son rythme endiablé et son humour slapstick. S’assumer comme divertissement, ça reste mieux que rien.