L’an dernier, dans les tous premiers jours de la vingtième édition de Fantasia, Guillermo Del Toro, réalisateur acclamé de L’Échine du diable (2001), entre autres, avait gratifié les festivaliers d’une mémorable classe de maître. L’Échine du diable s’ouvrait sur la question suivante : qu’est-ce qu’un fantôme? Un an plus tard, alors que s’inaugure la vingt-et-unième édition du festival préféré des amoureux du genre, le réalisateur David Lowery apporte une singulière réponse à cette même question.
A Ghost Story est, de prime abord, un film assez déroutant. Dans ses premières minutes, son rythme lent et sa mise en scène « englobante » (au sens où elle essaie d’embrasser d’un seul regard toute la complexité de l’univers où prend place son intrigue – laquelle, paradoxalement, est fort simple) rappellent Terrence Malick, sans toutefois que l’émotion s’y fasse aussi prégnante. Au début du film, il y a un couple, qui s’apprête à déménager, mais l’homme meurt dans un accident d’auto juste avant et revient sous la forme d’un fantôme, recouvert d’un drap blanc. Sa veuve le pleure, puis part. Lui reste là, comme prisonnier de ce qui fut son ancienne maison, témoin vaguement impuissant d’un futur qui s’écrit sans lui. A Ghost Story est donc un film sur le deuil, mais dans la perspective inversée : celui du mort plutôt que celui du vivant. Qu’est-ce qu’un fantôme? C’est un être qui n’a pas fait son deuil de la vie. Le caractère morne du début du film se mue en tour de force, puisqu’au final les fantômes, formes blanches inexpressives, nous deviennent plus attachants que les vivants. Lowery semble avoir compris que le deuil n’est pas fait de larmes, de bruit et de fureur : il est fait de silence et d’ennui, il est un fardeau qui pèse sur les cœurs et les âmes. La figure centrale du fantôme, épurée et minimaliste, en est le parfait reflet, et l’emploi d’un format d’image carré participe aussi à ce sentiment d’étouffement.
Œuvre intimiste et pessimiste (d’un pessimisme que le réalisateur, présent lors de la projection, confiait avoir voulu se débarrasser), A Ghost Story va possiblement peiner à trouver son public. En revanche, et malgré ces quelques inégalités, c’est un film dont il convient de saluer l’audace et l’originalité.