Blue My Mind s’inscrit entièrement dans le courant de ce qu’on a appelé le cinéma du corps: des films troublants, souvent réalisés par des femmes, qui explorent des thématiques liées à la sexualité et aux rapports au corps. Corps qui ressentent, corps qui souffrent, corps que parfois on mutile et qui vivent des transformations parfois fantasmagoriques. L’héroïne du film, Lisa, une adolescente solitaire, est prête à tout pour être acceptée de ses nouvelles amies: sexe, drogue, alcool et mauvais coups se succèdent en cascades au moment où le corps de Lisa subit d’étranges mutations, surtout ses jambes qui se mettent à fusionner et à se couvrir d’écailles. Petit à petit, elle commence à se transformer en sirène.
En dépit d’une réalisation bien maîtrisée, avec une caméra portée et attentive et une direction d’actrices solide, et qui ménage des moments authentiquement douloureux, Blue My Mind n’atteint pas vraiment sa cible. D’une part la transformation de Lisa en femme-poisson s’effectue de façon trop littérale, sans laisser place à la métaphore, ce qui nuit au film car les réactions des personnages manquent de crédibilité. D’autre part, l’ensemble laisse une désagréable impression de déjà-vu, reprenant çà et là des éléments de Spring Breakers ou de Black Swan. Mais là où le bât blesse pour de bon, c’est dans l’ambiguïté du message final: l’incompréhension et l’indifférence peuvent-elles vraiment déboucher sur la libération d’une jeune femme? La réponse excède clairement les limites de ce billet, et la critique de films n’a pas à faire la morale à personne, mais il est bon de souligner que le sentiment de malaise qui accompagne le visionnement de Blue My Mind se situe également dans le sous-texte. Malgré d’indéniables qualités esthétiques, trop de questions demeurent.