Aller voir du Gaspar Noé, c’est accepter en son âme et conscience de recevoir une série de coups de poing au ventre pendant toute la durée d’un film. À coup sûr l’un des cinéastes les plus controversés des vingt dernières années (ce qui n’est pas peu dire, en cette époque blasée), Noé compte néanmoins sur un bassin d’admirateurs fidèles. Y aurait-il masochisme chez les cinéphiles? Dans tous les cas, Noé sait comment gâter son public, et il le prouve avec son plus récent film, Climax, qui raconte l’histoire d’une troupe de jeunes danseurs qui s’est isolée dans un hôtel en forêt pour y faire la fête. La fête dégénère toutefois en chaos violent quand on découvre que quelqu’un a drogué le punch.
Climax est un film sur la danse, et donc sur le mouvement. Pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut se garder de trop l’intellectualiser. On y note une évolution dans le cinéma de Noé par rapport à ses débuts. Le personnage central de Seul contre tous, son premier long-métrage, même s’il agissait de façon parfois abjecte, n’en était pas néanmoins un être de chair et d’os, pour qui on pouvait éprouver à la fois du dégoût et de la sympathie. Ici, les personnages sont de purs archétypes, tantôt victimes, tantôt bourreaux. Ils ne sont que mouvement: les chorégraphies des premières scènes, hypnotiques et hallucinantes, rythmées par une bande-son pesante, cèdent le pas en cours de route à une sorte de chassé-croisé infernal tandis que la violence s’invite dans la fête. De par l’interminable plan-séquence qui englobe l’essentiel du récit, la caméra de Noé participe aussi à cette impression de mouvement perpétuel.
Maintenant, comment interpréter Climax, et doit-on l’interpréter? Faut-il y voir une simple descente aux enfers, à la fois esthétique et psychologique, ou y aurait-il un commentaire plus profond à extirper? Le générique du début annonce « un film français et fier de l’être ». Est-ce une simple provocation de la part de Noé, ou alors une réelle inquiétude sur la jeunesse d’un pays en déroute, qui n’a plus pour se réfugier que la fête, le sexe, la drogue, la violence, et donc… le mouvement?
Quel que soit le sens qu’on lui donne, Climax demeure un impressionnant tour de force, tant pour son stupéfiant travail d’éclairages et de caméra que pour les performances des acteurs-danseurs. Il s’agit sans hésiter d’un des bons coups de la présente édition du Festival du Nouveau Cinéma.