Annoncé comme le tout premier film d’horreur tunisien, Dachra est une trouvaille assez intéressante. Avec son scénario en forme d’énigme, sa direction photo grisâtre, son ambiance chargée de malaise et son fourre-tout thématique (sorcellerie, cannibalisme, fantômes du passé, allusion à un « fait vécu »…), le film présente un indéniable charme rétro sans toutefois paraître en retard sur son époque. Cela a peut-être à voir avec le fait que la Tunisie, terre d’affrontement entre l’ancien et le moderne, entre un islamisme de plus en plus intégriste et une laïcité de plus en plus serrée, entre souvenir d’une dictature encore toute proche et démocratisation inaugurée dans la foulée des printemps arabes, est elle-même une sorte de synthèse.
L’intrigue est centrée sur un groupe d’étudiants en journalisme qui pensent avoir trouvé un bon sujet de reportage: une mystérieuse femme, internée dans un asile depuis 25 ans, dans le silence le plus complet (même l’hôpital nie son existence) et que certains pensent être une sorcière. À partir de cette prémisse, le réalisateur Abdelhamid Bouchnak fait ce qu’un réalisateur de film de genre doit faire: il s’amuse. La caméra tournoie autour des personnages, des références cinématographiques apparaissent (notamment une très belle et très appuyée au classique Don’t Look Now, du regretté Nicolas Roeg), le groupe de journalistes se retrouve trimballé d’hôpital poisseux en forêts brumeuses et de forêts brumeuses en village inquiétant… Bref, il s’amuse et on s’amuse avec lui, quitte même à pardonner au film quelques longueurs et un retournement de situation final légèrement tiré par les cheveux. Il convient également de souligner la qualité du jeu des interprètes, et surtout celui de Yasmine Dimassi, qui a l’honneur d’être la première scream-queen maghrébine, et qui relève le défi de fort belle façon.
Dachra est donc un film qui abonde en clichés, mais son contexte de production fait en sorte que non seulement on le lui pardonne, mais qu’en plus on l’en remercie, d’une certaine manière. Présentant à la fois du talent et de l’innocence, il est un vrai régal pour fan de genre.