Généralement, découvrir un film d’un autre pays, et a fortiori d’un pays qui n’est pas spécialement reconnu pour sa production cinématographique, c’est avoir la chance de s’initier à une autre culture, qu’on imagine généralement à des années-lumières de la sienne. De l’Indonésie, l’auteur de ces lignes admet ne strictement rien savoir, excepté qu’il s’agit d’un archipel du sud-est asiatique (et accessoirement du 4ème pays le plus peuplé au monde, et du 1ier parmi les pays musulmans). En théorie donc, l’exotisme risque d’être au rendez-vous avec Dreadout, film d’horreur indonésien.
De la théorie à la pratique, il y a malgré tout un pas. Que raconte Dreadout? Une bande de jeunes étudiants décident de s’introduire dans un bâtiment abandonné, qu’on dit hanté, dans le but de s’y filmer en live et que le vidéo devienne viral. Déception, la jeunesse indonésienne ne semble pas moins exhibitionniste et obsédée par le quart d’heure de gloire warholien que la jeunesse occidentale. Au moins, leur précieux cellulaire aura la capacité de devenir une arme de combat quand un esprit venu d’un univers parallèle les attaquera. Comment un cellulaire peut-il blesser un fantôme? La réalisation ne s’encombre pas d’explications, débouchant ici sur un survival fantastique qui se laisse regarder sans trop de déplaisir, mais sans trop d’intérêt non plus.
Coïncidence, le film d’ouverture de la présente édition de Fantasia, Sadako, présente une prémisse narrative semblable à celle de Dreadout, dans la mesure où un des personnages du film disparaît après avoir lui aussi voulu faire un live dans un appartement hanté. Sa soeur tente alors de le retrouver, pour croiser sur son chemin l’esprit vengeur de Sadako, la désormais iconique fille aux longs cheveux noirs de l’univers de Ringu.
Ici, le réalisateur japonais Hideo Nakata est en terrain connu, et pour cause: c’est lui qui a réalisé les deux premiers Ringu (en 1998 et 1999), classiques du J-Horror, de même que la suite du remake américain (sortie en 2005). Le problème pour le spectateur, c’est d’être un peu trop en terrain connu, justement: avec son spectre qui sort d’un écran cathodique, son esthétique en tons de noir et de blanc entrecoupée de flashbacks sépias, ses sursauts remâchés, Sadako semble avoir été réalisé il y a vingt ans. Il y a néanmoins un aspect sur lequel il frappe dans le mille, et c’est qu’on s’attache beaucoup aux personnages (un des points forts récurrents du J-Horror). On ne peut donc certainement pas parlé de film raté, malgré tout ce qu’on pourrait lui reprocher.
En somme, tant face à Dreadout qu’à Sadako, on est bel et bien en présence de mécaniques bien huilées et fonctionnant au quart de tour. Le cinéphile en quête de dépaysement n’y trouvera pas son compte. Néanmoins, ce fait même pose une question troublante: avec la mondialisation galopante, mondialisation forcément porteuse d’uniformisation, et les technologies de communication (par ailleurs centrales dans les récits des deux films) qui l’accélèrent toujours plus, le dépaysement dans l’avenir sera-t-il encore possible? Si même les cinémas nationaux de l’autre bout du globe ne nous renvoient plus que l’image du même, c’est que nous vivons une bien triste époque.