On se le dit entre nous, c’était tranquille cette année au festival. Une baisse d’achalandage, une programmation qui manquait de mordant? Le trait mauvais et anachronique SADAKO (Hideo Nakata) méritait-il d’ouvrir le festival? Soit, quelques absences étaient remarquées cette année dont Takeshi Miike, Sono Sion, Kiyoshi Kurosawa et Hirokazu Kore-eda, mais qu’à cela ne tienne, nous avons quand même eu quelques belles surprises, … et quelques déceptions. Voici les films japonais que vous devriez voir cette année (si disponibles quelque part) et qui étaient présentés au festival!
** Le COUP DE COEUR toutes catégories **
IT COMES (réal.Tetsuya Nakashima)
Le réalisateur de Kamikaze Girls (2004) et The World of Kanako (2015) se frotte ici à l’épouvante et l’horreur avec une féroce efficacité. Ce film remporte la palme, pour son montage et sa mise en scène énergique, éclatée et désinvolte. Entre Poltergeist, The Exorciste et l’humour décalé nippon, IT COMES garde le rythme, et surprend à chaque détour. L’hémoglobine est au rdv également, ne vous attachez pas trop aux personnages. Adapté du roman de Sawamura, le film propose une structure non-linéaire, les flashbacks sont utilisés de manière judicieuse et surprenante, et surtout « justifiée » à l’égard du thème central. Les secrets deviennent dangereux, et nuisent aux relations humaines, toujours fragiles. On critique aussi la trop grande place que prend les réseaux sociaux dans nos vies et la spectacularisation du quotidien. À voir lorsque disponible ici!
** Mentions découvertes **
AND YOUR BIRD CAN SING (réal. Sho Miyake) ** lire notre critique ici
DAY AND NIGHT (réal. Michihito Fujii)
Drame sociale qui aborde les questions morales liées au bien et au mal, ainsi qu’à l’illégalité altruiste de certains gestes et leurs portées. Des intrigues qui se croisent, s’entremêlent, autour d’une vengeance qui s’avère futile, entre la nuit et le jour. Les plans d’éoliennes, plongés en vol d’oiseau nocturnes sur l’errance des voitures, une magnifique scène de transitions en matchcut entre le jour et la nuit, le film de Fujii impose une force tranquille, une assurance naturelle incarnée par Koji. Mais notre personnage n’a pas le choix. Bien ou mal? Ça n’a pas d’importance. Les crimes deviennent une nécessité morale. Koji veut protéger l’intégrité de son père, un lanceur d’alerte qui s’est suicidé suite à la controverse impliquant la dissimulation de preuves pour le rappel de voitures. Cette dénonciation plongea toutefois le village dans l’insécurité et le chaos; fermeture d’entreprise, mises à pied, etc. Koji cherche un sens entre ses activités de nuit et celles de jour à l’orphelinat, où il travaille comme cuisinier, qui survit grâce aux revenus du crime.
CHIWAWA (réal. Ken Ninomiya)
Comédie dramatico-sociale sur la dérive de la jeunesse contemporaine à l’ère des réseaux sociaux. Une critique du « plaire à tout prix » cynique et très rythmée sur des airs techno. L’aveuglement parfois volontaire, pour fuire, que provoquent l’argent et la luxure, et la chute après le « high » sont bien illustrés dans cette fable urbaine qui rappelle, par ses couleurs vives et un montage frénétique, Spring Breakers (mais là s’arrête la comparaison). Le film commence avec la découverte du cadavre de Chiwawa, mais le film s’intéresse peu au mystère, au pourquoi. Est-ce que sa meilleure amie découvrira ce qui lui est arrivé? Veut-on le savoir?
HIS BAD BLOOD (réal. Koichiro Oyama)
Drame psychologique qui arrive dès le début à maintenir l’intérêt autour de revirements qui s’enchaînent ensuite les uns après les autres. Un récit qui s’articule autour de l’hérédité et du legs parentale. Sommes nous plus que nos parents? Pouvons-nous nous affranchir de leurs faiblesses aux yeux des autres? Efficace. Simple. Malgré la difficulté de s’identifier au personnage central au début, immature et au comportement imprévisible, on finit par céder à la quête qui naît doucement dans son esprit et dans le nôtre. Un film qui insuffle une certaine dose d’originalité dans le genre coming of age story.
HUMAN LOST (réal. Fuminori Kizaki) ** lire notre critique ici
** Mentions surprises **
STARE (réal. Hirotaka Adachi)
Drame d’épouvante et d’horreur, digne de mention pour s’être amusé avec les conventions du j-horror tout en bâtissant autour d’eux. Une malédiction qui nous atteint seulement lorsqu’on nous la raconte. A vaincre seulement lorsqu’on y fait face. Tenez le regard pour survivre! Originale malgré les clichés bien assumés. Il aurait dû ouvrir le festival au lieu de Sadako.
NAO YOSHIGAI X4 (Nao Yoshigai)
Une série de quatre courts métrages sur le thème de la féminité. Réalisés par une artiste multidisciplinaire, danseuse, chorégraphe et réalisatrice, Yoshigai sait capter la beauté du mouvement, baigné dans un doux éclairage qui épouse les formes. Films à la fois expérimentaux qui savent narrativiser le moindre geste, le moindre regard. Du cinéma à l’échelle intimiste.
** Mentions « slice of life » **
A JAPANESE BOY WHO DRAWS (réal. Masanao Kawajiri)
Un court métrage d’animation qui s’intéresse à la nécessité, ou non, d’avoir des aspirations et des ambitions, à travers les yeux d’un enfant jusqu’à l’âge adulte. Le rêve de devenir un mangaka reconnu est rempli d’embûches pour Shinji. Histoire déjà entendue, mais c’est la forme qui nous intéresse, qui pose aussi des questions sur la nature de l’art. Plusieurs techniques sont utilisées (dessin, stop motion, rotoscopie, action réelle) pour illustrer les différentes époques dans la vie de Shinji. Du dessin d’enfant, naïf, à la forme manga accomplie, Shinji réalise-t-il son rêve? Quelle était réellement son ambition en tant qu’artiste?
THE ISLAND OF CATS (réal. Mitsuaki Iwago)
Vivre au rythme tranquille d’une communauté insulaire, en compagnie d’une horde de petits félins aux personnalités bien aiguisées, fait du bien dans une programmation fantasiesque! Un film qui nous rappelle les bienfaits des petits plaisirs simples de la vie, entouré de ceux qu’on aime. Les personnages sont attachants et sauront toucher votre âme.
** Déceptions **
THE FABLE (réal. Kan Eguchi)
On se demande si le jury n’a vu que la scène d’introduction… Un film d’action adapté du manga éponyme (récipiendaire du Cheval noir dans sa catégorie, à défaut d’avoir un film thaïlandais ou indonésien d’arts martiaux, j’imagine…) qui s’annonçait en introduction plutôt originale, du John Wick tarantinesque avec un humour visuel très appuyé qui rappelle le matériel source. Hélas le film tombe un peu trop dans le mondain (on en comprend les raisons motivées par le scénario), car dépourvu d’action la majeure partie de l’histoire. L’humour mang-esque comble suffisamment ce manque pour rendre le visionnement très divertissant, mais on s’attendait à plus d’un film qui remporte le Cheval noir du meilleur film d’action…
ALMOST A MIRACLE (réal. Yuya Ishii)
Mes attentes étaient peut être trop élevées pour un film de Yuya Ishii. Quand même un bon feel-good movie avec des personnages adolescents candides et sympathiques. Une prémisse loufoque mais vraisemblable, propice à la comédie de situation.
*** And Your Bird Can sing de Sho Miyake et Ride Your Wave de Masaaki Yuasa n’ont pas été visionnés, et auraient pu se glisser dans le palmarès…