Monument est un film réalisé en collaboration avec les finissants en interprétation de la célèbre école de Lodz (une des plus vieilles écoles de cinéma d’Europe, c’est elle qui a formé la plupart des grands noms du cinéma polonais, notamment Roman Polanski et Andrzej Wajda). Il est bon de le préciser car il prend assez rapidement les allures d’un terrain de jeu pour acteurs. L’intrigue y est minimaliste: un groupe d’une vingtaine de jeunes est engagé dans un grand hôtel pour effectuer l’entretien et le roulement. La discipline y est stricte et autoritaire. Petit à petit, le groupe semble basculer dans la folie.
Il y a effectivement un soupçon de John Cassavetes dans Monument. Le développement de l’histoire semble dicté par l’improvisation (que ce soit le cas ou pas). La mise en scène privilégie d’abord les plans larges et les lents travellings, donnant parfois une impression plus théâtrale que cinématographique, pour ensuite se rapprocher graduellement des interprètes au fur et à mesure que la dégénérescence s’installe. Le travail sonore suit le même parcours, d’abord angoissant puis assourdissant.
Y a-t-il un sous-texte précis à déceler dans le film? Monument apparaît sur certains points comme un discours sur la déshumanisation qu’engendre la privation de liberté et d’identité. Dès le début, les jeunes sont numérotés et perdent leurs noms (tous les garçons doivent se faire appeler Pavel et toutes les filles doivent sur faire appeler Anna). Certains sombrent dans l’apathie, développent des comportements animaux ou encore deviennent délateurs. L’hôtel semble bel et bien un univers concentrationnaire, même si la surinterprétation peut devenir ici notre ennemie: le fait que Monument soit un film polonais peut certes influencer le regard (la Pologne ayant été au cours du dernier siècle victime du nazisme puis du communisme). Le film doit d’abord et avant tout être envisagé comme une performance.
Malgré ses indéniables qualités sur les plans du jeu et de la caméra, Monument laisse tout de même un sentiment mitigé. Pas seulement à cause des inévitables longueurs ou du revirement de situation final (étonnamment) cliché, mais principalement à cause du fait qu’on a l’impression de voir une troupe de théâtre faire un film pour le fun davantage qu’une oeuvre vraiment réfléchie. Évidemment, la chose est louable. Personne ne va empêcher une troupe de finissants de faire la fête. Sauf qu’on n’est pas convaincu d’y avoir été invité.